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pont de Lauriol ; à Lyon, les deux ponts lui sont funestes, et sa fortune expire devant le pont de Sèvres.

Tableau de ses vertus. Inutile de vanter son courage, auquel il joignait une grande politique. Car il offrit à chaque soldat soixante francs pour abandonner l’empereur, et en Espagne, il tâcha de corrompre à prix d’argent les constitutionnels.

Sa réserve était si profonde qu’il consentit au mariage projeté entre son père et la reine d’Étrurie ; à la formation d’un cabinet nouveau après les ordonnances ; à l’abdication en faveur de Chambord, à tout ce que l’on voulait.

La fermeté pourtant ne lui manquait pas. À Angers, il cassa l’infanterie de la garde nationale, qui, jalouse de la cavalerie et au moyen d’une manœuvre, était parvenue à lui faire escorte, tellement que Son Altesse se trouva prise dans les fantassins à en avoir les genoux comprimés. Mais il blâma la cavalerie, cause du désordre, et pardonna à l’infanterie ; véritable jugement de Salomon.

Sa piété se signala par de nombreuses dévotions, et sa clémence en obtenant la grâce du général Debelle, qui avait porté les armes contre lui.

Détails intimes, traits du prince :

Au château de Beauregard, dans son enfance, il prit plaisir, avec son frère, à creuser une pièce d’eau que l’on voit encore. Une fois, il visita la caserne des chasseurs, demanda un verre de vin et le but à la santé du roi.

Tout en se promenant pour marquer le pas, il se répétait à lui-même : « Une, deux, une, deux, une, deux ! »