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jour incertain des cryptes, tout, jusqu’à la fraîcheur des murailles, leur causa un frémissement de plaisir, une émotion religieuse.

Bientôt ils furent capables de distinguer les époques, et, dédaigneux des sacristains, ils disaient :

— Ah ! une abside romane !… Cela est du XIIe siècle ! voilà que nous retombons dans le flamboyant !

Ils tâchaient de comprendre les symboles sculptés sur les chapiteaux, comme les deux griffons de Marigny becquetant un arbre en fleurs. Pécuchet vit une satire dans les chantres à mâchoire grotesque qui terminent les ceintures de Feugerolles ; et pour l’exubérance de l’homme obscène couvrant un des meneaux d’Hérouville, cela prouvait, suivant Bouvard, que nos aïeux avaient chéri la gaudriole.

Ils arrivèrent à ne plus tolérer la moindre marque de décadence. Tout était de la décadence et ils déploraient le vandalisme, tonnaient contre le badigeon.

Mais le style d’un monument ne s’accorde pas toujours avec la date qu’on lui suppose. Le plein cintre, au XIIIe siècle, domine encore dans la Provence. L’ogive est peut-être fort ancienne ! et des auteurs contestent l’antériorité du roman sur le gothique. Ce défaut de certitude les contrariait.

Après les églises ils étudièrent les châteaux forts, ceux de Domfront et de Falaise. Ils admiraient sous la porte les rainures de la herse, et parvenus au sommet, ils voyaient d’abord toute la campagne, puis les toits de la ville, les rues s’entrecroisant, des charrettes sur la place, des femmes