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CORRESPONDANCE

Châteauroux. Oh ! la tyrannie du Figaro ! Quelle peste publique. J’étouffe de rage en songeant à ces cocos-là.

Mes compagnons de route, Renan et le prince Napoléon ont été charmants, celui-là parfait de tact et de convenance et il a vu clair, dès le début, mieux que nous deux.

Vous avez raison de regretter notre amie, car elle vous aimait beaucoup et ne parlait jamais de vous qu’en vous appelant « le bon Tourgueneff ». Mais pourquoi la plaindre ? Rien ne lui a manqué, et elle restera une très grande figure.

Les bonnes gens de la campagne pleuraient beaucoup autour de sa fosse. Dans ce petit cimetière de campagne, on avait de la boue jusqu’aux chevilles. Une pluie douce tombait. Son enterrement ressemblait à un chapitre d’un de ses livres.

Quarante-huit [heures] après, j’étais rentré dans mon Croisset où je me trouve étonnamment bien ! Je jouis de la verdure, des arbres et du silence d’une façon toute nouvelle ! Je me suis remis à l’eau froide (une hydrothérapie féroce) et je travaille comme un furieux.

Mon Histoire d’un cœur simple sera finie sans doute vers la fin d’août. Après quoi, j’entamerai Hérodias ! Mais que c’est difficile ! nom de dieu que c’est difficile ! Plus je vais et plus je m’en aperçois. Il me semble que la prose française peut arriver à une beauté dont on n’a pas l’idée. Ne trouvez-vous pas que nos amis sont peu préoccupés de la beauté ? Et pourtant il n’y a dans le monde que cela d’important !

Et bien, et vous ? Travaillez-vous ? Et Saint Julien