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CORRESPONDANCE

472. À LOUIS BOUILHET.
Croisset, 10 mai 1855.
Monstre,

Pourquoi ne m’as-tu pas écrit ? et pourquoi n’ai-je pas reçu dimanche à mon réveil une sacro-sainte lettre ? Dans quels délices ou embêtements es-tu plongé pour oublier ton pauvre Caraphon ? As-tu vu Sandeau, etc. ?

Je me suis embêté (pardon de la répétition) assez bravement pendant les deux ou trois jours qui ont suivi ton départ. Puis j’ai rempoigné la Bovary avec rage. Bref, depuis que tu es parti j’ai fait six pages, dans lesquelles je me suis livré alternativement à l’élégie et à la narration. Je persécute les métaphores et bannis à outrance les analyses morales. Es-tu content ? Suis-je beau ? J’ai bien peur, en ce moment, de friser le genre crapuleux. Il se pourrait aussi que mon jeune homme ne tarde pas à devenir odieux au lecteur, à force de lâcheté. La limite à observer dans ce caractère couillon n’est point facile, je t’assure. Enfin, dans une huitaine j’en serai aux grandes orgies de Rouen. C’est là qu’il faudra se déployer !

Il me reste encore peut-être cent vingt ou cent quarante pages. N’aurait-il pas mieux valu que ça en ait quatre cents et que tout ce qui précède eût été plus court ? J’ai peur que la fin (qui dans la réalité a été la plus remplie) ne soit, dans mon