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CORRESPONDANCE

durement pour les corrections, c’est que nous te traitons comme nous-mêmes.

Il a dû partir hier pour Cany, Bouilhet. Je ne sais si je le verrai dimanche. Dans une quinzaine, il part à Paris pour s’aller chercher un logement ; puis il reviendra pendant huit jours, et puis adieu. Cela m’attriste grandement. Voilà huit ans que j’ai l’habitude de l’avoir tous les dimanches. Ce commerce si intime va se trouver rompu. La seule oreille humaine à qui parler ne sera plus là. Encore quelque chose de parti, de jeté en arrière, de dévoré sans retour.

Quand donc ferai-je comme lui ? Quand me décrocherai-je de mon rocher ? Mais j’entends mes plumes qui me disent, comme les oiseaux voyageurs à René : « Homme, la saison de ta migration n’est point encore venue. »

Ah ! je pense à toi souvent, va, plus souvent que je ne le voudrais. Cela m’amollit, m’attriste, me retarde.

Puisque j’ai commencé ici et dans un système lent, il faut finir de même. Pour une installation à Paris et le temps que ça me demanderait avant d’y être habitué, il faudrait des mois, et en quatre ou cinq mois on fait de la besogne.

Tu m’as envoyé un bien bon aperçu de ton auberge, avec les rouliers courant après les filles dans les corridors : tu m’y parais être assez mal.

Quand retournes-tu rue de Sèvres ? Et les dents ? les maux de cœur ? Pauvre chère amie, qu’as-tu donc ? Tu me sembles bien sombre ; ah ! la vie n’est pas gaie, sacré nom de Dieu !

Delisle tient-il à ce que je fasse une insigne malhonnêteté à l’Athenæum ? J’y suis tout disposé. Je