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CORRESPONDANCE

viennent parce que les autres y viennent. Le lorgnon sur l’œil, on fait le tour des galeries au petit trot ; après quoi on ferme le catalogue et tout est dit.


281. À SA MÈRE.
Rome, 8 avril 1851.

Rien de nouveau à t’apprendre ; nous ne sortons pas des musées. Le Vatican et le Capitole nous occupent entièrement, le Vatican surtout, où il y a vraiment des petites choses assez coquettes. La quantité de chefs-d’œuvre qu’il y a à Rome est quelque chose d’effrayant et d’écrasant. On s’y sent plus petit encore que dans le désert. Tout le monde afflue pour la semaine sainte. Les maisons sont pleines et les derniers venus ont du mal à trouver où se caser.

Je vais écrire à Bouilhet dont je n’entends plus parler que s’il était mort, ce qui m’ennuie. Pauvre garçon, comme il s’amuserait ici ! Comme il humerait les ruines et la campagne ! Car la campagne de Rome est ce qu’il y a de plus antique à Rome. Quant à la ville elle-même, malgré la quantité de choses antiques, le cachet antique n’y est plus ; il a disparu sous la robe du jésuite. Il faut prendre Rome comme un vaste musée et ne pas lui demander autre chose que du XVIe siècle. J’ai vu l’autre jour une Vierge de Murillo dont il y de quoi devenir fou, comme dirait le père Parain, et avant d’arriver à en faire une semblable on attraperait bien des fluxions de poitrine.

Une réflexion m’est venue hier à propos du