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fuse. C’est que l’étude des civilisations primitives, qui peut seule l’éclairer par un groupement intelligent de faits habilement comparés, compte a peine un demi-siècle d’existence et tâtonne aujourd’hui encore dans les difficultés de ses investigations.

Mais il y a un fait indiscutable qu’on peut reconnaître sans que l’on veuille se ranger pour ou contre les unitaires. Partout ou l’on rencontre un homme, il montre toujours une aptitude positive à se représenter les choses absentes, par l’impulsion des causes les plus diverses. Se représenter les choses absentes et les garder tellement bien en face de l’esprit, qu’on semble vivre avec elles dans un monde à part, c’est abstraire. C’est la faculté de voir dans les objets non seulement la matière tangible, mais encore la forme impalpable qui reste incrustée dans l’esprit et qu’on peut évoquer par une incitation quelconque. Cette faculté ne peut être refusée a certains hommes puisque bien des philosophes et les polygénistes même, l’accordent aux animaux, bien inférieurs à l’homme. Ce point admis, comment supposer, comment comprendre que tous les hommes ne soient pas aptes à imaginer une religion quelconque, qu’on l’appelle fétichisme, totémisme, idolâtrie ou déisme ? Tous ceux qui ont étudié la marche du développement religieux, qui semble être une phase naturelle de l’esprit humain, ont remarqué combien elle varie de formes dans ses manifestations. Cependant quelle que soit la liturgie, grossière ou délicate, quelle que soit la croyance, absurde ou rationnelle, on y devine toujours le même mobile.

Un exemple entre mille. On sait que les Veddahs forment une de ces populations noires du Ceylan que l’on regarde, à tort ou à raison, comme de vrais sauvages. Des savants éminents avaient longtemps soutenu que ces gens n’ont aucune religion. Pourtant Belley raconte le fait