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écartée. Il faut se rappeler qu’ici il ne s’agit pas spécialement de l’unité de l’espèce humaine, mais des principes généraux à l’aide desquels on caractérise l’espèce dans toutes les classifications. Aussi la discussion, intéressant toutes les branches de l’histoire naturelle, a-t-elle pris une importance de premier ordre quand se furent dressés les deux camps qui ont eu pour premiers antagonistes, Étienne Geoffroy Saint-Hilaire d’un côté et Cuvier de l’autre. Jamais lutte scientifique n’eut plus d’animation. Jamais on ne montra plus d’ardeur ni plus de passion dans une cause dont le fond n’a rien de ces intérêts matériels et égoïstes qui aveuglent les champions et leur inspirent l’aigreur, la haine et l’esprit d’extermination. Le choc des arguments et le bruit de la discussion retentirent dans le monde entier. Même l’illustre Goethe, d’ordinaire si impassible, s’enthousiasma cette fois.

Cuvier a pu réunir sous son drapeau tous les esprits conservateurs et même les beaux esprits qui dans ce doux pays de France ont toujours eu une influence prépondérante. Une boutade eut plus de valeur que tous les arguments : le long cou de la girafe suffit pour ruiner alors, dans la science française, la belle théorie de Lamarck, modifiée mais glorieusement continuée par l’éminent adversaire de Cuvier. La perfide Albion, dont la chance est faite de bon sens, aura ainsi la gloire de voir attacher le nom d’un de ses fils à la plus grande révolution qui se soit accomplie dans les idées scientifiques de ce siècle. Mais ne fut-ce pas une compensation bien digne de Geoffroy Saint-Hilaire que d’avoir eu l’assentiment de Goethe, la tête la mieux organisée de son temps !…

Le voyageur qui parcourt la Belgique, arrive sans y penser dans les campagnes paisibles du Brabant. Là, il voit passer les paysans typiques, respirant à pleins poumons l’air libre de la plaine embaumée, avec la bonhomie des