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l’intelligence calme et sereine, la morale douce et avenante, dont l’ensemble concourt à former je ne sais quel charme de divine beauté, il en fut opposé un autre, ayant tous les contraires de ce qui plaît et attire dans l’image du Sauveur. Le diable est le symbole de la brutalité, de l’esprit de révolte et de la perversité. Pour mettre en relief l’opposition tranchée, profonde, inconciliable, qui existe entre les deux symboles, on pensa naturellement à faire du diable un nègre.

« De sa large bouche et de ses narines sortaient la flamme et une fumée sulfureuse. Par son noir visage, il ressemblait à un Éthiopien féroce : ses cheveux et sa barbe se hérissaient, tordus comme des serpents ; ses yeux rouges comme le feu lançaient des éclairs. »

Les traits et la couleur sous lesquels je présente ici Satan, et qui lui font une physionomie bien peu flatteuse, j’en conviens, ne sont pas une fantaisie imaginée pour le besoin de ma thèse, comme on serait tenté de le croire. Je ne fais que reproduire autant qu’il m’a été possible, une description du diable faite par un certain Blasius Melanès, qui vivait, je crois, vers le commencement du moyen âge. Son nom, peu cité et même absent dans les meilleurs dictionnaires d’histoire, me fait croire que nous avons affaire à un pseudonyme. En tous cas, il fait bon de voir le texte de ce Blasius, latin quelque peu barbare, mais qu’on ne s’étonne guère de rencontrer dans cette époque de décadence, ou la langue de Cicéron fut si maltraitée par les cuistres de haute et basse volée. Il dépeint ainsi le diable :

Cui visus ore vastum, flammam naribus, fumum fundens sulfureum… ferociens in specie nigerrimi Ethiopes ; capilli et barba stillabat quasi piscem callidam et liquidam, oculi ferum ignitum et structuras scintillans[1].

  1. Blasius Mélanès, Vita S. Joannis cité par M. Pompeyo Gener, dans son livre : La mort et le diable.