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les consume de ses rayons enflammés, les habitants de l’Afrique équatoriale sont loin de mener généralement cette vie purement animale que l’on imagine trop souvent dans l’Europe moderne. Leur activité mal dirigée n’a encore rien produit qui leur fasse un titre à la gloire ou à l’admiration des peuples civilisés, si difficiles à étonner ; mais ne suffit-il pas qu’ils en fassent preuve pour qu’on ait droit d’espérer en leur avenir ? « Des hauteurs de la culture moderne, dit Hartmann, on se figure que la vie de l’indolent Niger coule stérile et uniforme, comme une rivière fangeuse à travers un lit bourbeux. Dans ces régions de haute civilisation où cependant la demi-science et même l’ignorance trouvent encore place, on ne peut se faire une idée de la vie singulière et restreinte, il est vrai, mais pleine d’activité politique, religieuse et sociale des habitants du Soudan. Il faudrait que les psychologues vinssent voir[1]. »

Il y a donc beaucoup à rabattre de toutes ces expositions demi savantes où l’on parle des Nigritiens comme des gens qui ne font signe que de la vie matérielle et végétative de la brute. En effet, à mesure que les voyageurs éclairés et consciencieux se dirigent en plus grand nombre dans cette Afrique mystérieuse, qui reste encore pour nous comme le sphinx colossal de l’antique Égypte, on revient insensiblement sur les erreurs longtemps accréditées et dont l’influence a été de maintenir si longtemps les théories ineptes que je combats ici. Non-seulement les Nigritiens pensent et agissent comme tous les autres hommes, selon le degré d’instruction et d’éducation de chacun, mais il est évident que leur existence ne s’écoule point dans un dénuement complet du confort indispensable à la vie européenne. « Les villes habitées par les Nègres, dit M. Louis

  1. Hartmann, loco citato, p. 47.