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niment élevé n’éprouvaient aucune répugnance à se régaler de la chair humaine. C’est pourtant ce qui peut être facilement établi. On va voir, sur le fait, non un vilain, un malotru ou un mécréant, mais un roi, un guerrier, défenseur éminent de la foi chrétienne !

Il ne s’agit pas d’un autre moindre que Richard-Cœur-de-Lion, le plus grand héros des Croisades.

D’après un article fort savant, publié dernièrement par M. de Nadaillac dans la Revue des Deux-Mondes, ce monarque guerrier, relevant d’une fièvre ardente qu’il eut à Saint-Jean d’Acre, désirait, avec l’insistance d’un convalescent et le goût capricieux d’un roi, qu’on lui servît de la chair de porc. Malgré les plus minutieuses perquisitions, il fut impossible d’en trouver ; car les porcs, étant regardés comme impurs, étaient bannis de ce pays. Comme il fallait à l’appétit royal autre chose que les mets ordinaires, on remplaça la chair de porc par une tête de Sarrasin bien assaisonnée, que Richard-Cœur-de-Lion mangea avec délice !

Non-seulement la chronique des Croisades rapporte clairement le fait, mais M. de Nadaillac[1] cite encore les vers suivants, écrits en vieux anglais, qui en perpétuent le souvenir :

King Richard shall warrant
There is no flesch so nourrissant
Unto an English man,
Partridge, plover, heron ne swan
Cow no ox, sheep ne swine,
As the head of a Sarazine.

« Le roi Richard garantira
Qu’il n’y a pas de chair aussi succulente,
Pour un Anglais,
— Perdrix, pluvier, héron ni cygne,
Vache ni bœuf, mouton ni porc, —
Que la tête d’un Sarrasin. »

  1. De Nadaillac, L’anthropophagie et les sacrifices humains, in Revue des Deux-Mondes, n° du 15 nov. 1884.