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par toutes les lois ; mais ce serait condamner le Saint-Esprit qui ordonne aux esclaves par la bouche de Saint-Paul de demeurer en leur état, et n’oblige point les maîtres à les affranchir. » (I. Cor. VII, 24, Ephés. VI, 7, etc.)[1].

Ces principes qui nous étonnent profondément, étant si contraires à nos convictions, sont soutenus par l’immortel évêque de Meaux avec une telle fermeté, une telle assurance, que l’on ne saurait douter de la sincérité de ses expressions. C’est le canoniste qui parle par sa voix ; c’est au nom du droit des gens et du Saint-Esprit qu’il déclare inattaquable l’institution de l’esclavage ! Et notez qu’il ne fait aucune exception. Il est vrai qu’au moment où il écrivait, le mot d’esclave n’était cité dans la législation française que pour désigner les noirs transportés dans les colonies d’Amérique et en règlement de la condition desquels Louis XIV venait de promulguer le fameux Code noir. Mais un théologien n’admet pas de principes de circonstance : pour lui, cela seul est vrai qui est reconnu généralement, en tout lieu et en tout temps, quod ab omnibus, quod ubique, quod semper confessum est.

En réalité, si l’esclavage n’existait plus en France avec sa dénomination moderne, il n’était pas moins conservé sous le nom de servage, dont l’étymologie plus savante n’y avait rien changé au fond, sauf les améliorations amenées avec le temps dans le système social, par le développement de la civilisation et l’adoucissement des mœurs. Les serfs de la glèbe étaient tout aussi bien la chose du propriétaire que l’esclave fut la chose de son maître. Le changement de condition légale ne consistait qu’en une simple distinction de droit civil ; au lieu d’être considérés comme des biens meubles, pouvant être vendus partout,

  1. Bossuet, 5e avertiss. sur les lettres de M. Jurieu (édit. Didot, 1841, t. IV, P. 404).