Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la vérité scientifique, d’aboutir à des principes matérialistes ; ils craignaient surtout de ravir à Dieu la gloire d’avoir tout prévu et tout réglé d’une façon indéfectible, en moulant les créatures humaines d’après des types circonscrits en chaque groupe, et en les marquant d’une empreinte éternelle. Ils avaient pourtant risqué l’argument de la transformation des types sous l’influence de la civilisation. Le savant Broca, en lutteur intrépide, entreprit de les réfuter sur ce point comme il avait essayé de le faire sur tant d’autres. Ce fut, pour lui, très malaisé. Embarrassé dans sa conscience de physiologiste éclairé, mais voulant porter ses adversaires au silence, le grand athlète de l’école polygéniste eut recours à une argumentation spécieuse et sophistique. « S’il était vrai, dit-il, que l’état du cerveau fût déterminé chez les hommes par leur état social, par l’usage qu’ils font de leurs facultés, par la direction qu’ils donnent à la vie cérébrale, il faudrait en conclure que l’habitude de faire fonctionner ou de laisser en repos tel ou tel organe encéphalique a pour conséquence de faire hypertrophier ou atrophier cet organe comme s’atrophie un muscle longtemps immobilisé, comme s’hypertrophie une glande qui fonctionne outre mesure ; et il en résulterait que le cerveau est à l’âme ce que le muscle est à la contractilité, ce que le rein est à la sécrétion urinaire. Conséquence inévitable, d’une doctrine qui a pu se croire orthodoxe ! Il n’y a pas de milieu. Il faut se séparer de cette doctrine ou prendre place parmi les matérialistes les plus radicaux[1]. »

Il faut rendre hommage à l’habileté du célèbre anthropologiste, qui eut l’art de mettre en déroute tous ses contradicteurs, rien qu’en les menaçant de les considérer comme des matérialistes ; on conviendra néanmoins que

  1. Broca, Mémoires d’anthropologie, t.III, p. 406.