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voit-on les nègres d’Haïti repousser énergiquement les blancs et leur défendre l’entrée de leur territoire ; ils voudraient de même exclure les mulâtres et visent à leur extermination…

« Je suppose le cas où les populations de ce malheureux pays auraient pu agir conformément à l’esprit des races dont elles sont issues, ou, ne se trouvant pas sous le protectorat inévitable et l’impulsion d’idées étrangères, elles auraient formé leur société tout à fait librement et en suivant leurs seuls instincts. Alors il se serait fait, plus ou moins spontanément, mais jamais sans quelques violences, une séparation entre les gens des deux couleurs.

« Les mulâtres auraient habité les bords de la mer, afin de se tenir toujours avec les Européens dans des rapports qu’ils recherchent. Sous la direction de ceux-ci, on les aurait vus marchands, courtiers surtout, avocats, médecins, resserrer des liens qui les flattent, se mélanger de plus en plus, s’améliorer graduellement, perdre, dans des proportions données, le caractère avec le sang africain.

« Les nègres se seraient retirés dans l’intérieur et ils y auraient formé de petites sociétés analogues à celles que créaient jadis les esclaves marrons, à Saint-Domingue même, à la Martinique, à la Jamaïque et surtout à Cuba, dont le territoire étendu et les forêts profondes offrent des abris plus sûrs. Là, au milieu des productions si variées et si brillantes de la végétation antilienne, le noir américain, abondamment pourvu de moyens d’existence que prodigue, à si peu de frais, une terre opulente, serait revenu en toute liberté à l’organisation despotiquement patriarcale si naturelle à ceux de ses congénères que les vainqueurs musulmans de l’Afrique n’ont pas encore contraints[1]. »

  1. De Gobineau, loco citato, t. I, p. 49-50.