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de telle sorte que ses représentants soient plus aptes à parler certaines langues que certaines autres ?

« Le langage que nous parlons n’est pas né en nous, à notre naissance, répond Sayce. L’enfant doit apprendre la langue maternelle, bien qu’il hérite sans doute d’une certaine aptitude à cet égard. S’il est né en Angleterre, il apprend l’anglais ; s’il est né en France, il apprend le français. Si deux langues ou davantage sont parlées par ceux qui l’entourent, il est probable qu’il apprendra ces langues plus ou moins bien, suivant qu’il sera en relations plus ou moins assidues avec ceux qui les parlent. Des langues autrefois parfaitement sues peuvent être entièrement oubliées et une langue étrangère peut devenir aussi familière à l’homme que si elle était sa langue maternelle. On voit des enfants, dont la langue était l’hindoustan, oublier entièrement cette langue, après un court séjour en Angleterre, et il devient souvent difficile de reproduire un son que l’on avait toujours sur les lèvres dans l’enfance. Ce qui est vrai de l’individu l’est également de la communauté qui se compose d’individus[1]. »

Ces vérités, sont si claires, si simples, que les gens qui ont voyagé et vu divers peuples transportés dans un milieu autre que celui de leurs ancêtres, trouveront curieux qu’on prenne la peine de les faire remarquer. La République haïtienne, peuplée de descendants d’Africains ne parle-t-elle pas le français ? N’a-t-on pas vu les soldats bosniaques envoyés dans la basse Nubie par le sultan Sélim, en 1420, perdre leur langue maternelle, pour en adopter une autre regardée comme inférieure ? Les indigènes de toute l’Amérique du Sud, qui se sont convertis en peuples civilisés, n’ont-il pas tous appris à parler l’espagnol et les Indiens du Brésil ne parlent-ils pas parfaitement

  1. Sayre, loco citato, p. 292.