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pant que des métiers les plus rudes et les plus répugnants. Sentant qu’ils avaient dans leurs veines une notable portion de ce sang dont les petits blancs étaient si fiers, ils laissaient fermenter leur haine en silence et accumulaient leurs colères contre ceux qui ne les avaient procréés que pour les condamner ensuite à une existence abreuvée d’opprobre et de misères. C’était, à vrai dire, horrible.

Le plus souvent, sans doute, c’est dans un moment d’ébriété ou plutôt de cette salacité irrésistible, que déchaîne dans le sang de l’Européen l’air balsamique et chaud des tropiques, que le baiser criminel aura rapproché du maître la sémillante esclave, aux formes exubérantes et gracieuses. Combien de temps duraient ces transports ? La coupe de l’ivresse une fois vidée, l’homme blanc s’en allait, laissant germer dans le sein noir de la noire Africaine un être qui ne saura peut-être jamais le nom de son père ! L’enfant grandissait seul, abandonné aux soins de la pauvre négresse dont il constituait un fardeau de plus, bien lourd encore que chéri.

À jamais garotté dans les ténèbres de l’ignorance, il sera tourmenté par sa peau trop claire pour qu’il se complaise au triste sourire qui se détache du noir visage de sa mère toute confuse de maternel amour, trop brune pour que son père puisse jamais voir en lui la reproduction de son teint rose, d’autant plus recherché que le soleil équinoxial l’aura déjà rudement caressé !

Cette pénible position du mulâtre n’est pas une fantaisie. Le temps qui cicatrise toutes les plaies, travaille lentement à en effacer le souvenir ; mais c’était un fait général. « Dans toutes les colonies européennes, chez les Français surtout, dit Bory de Saint-Vincent, les mulâtres furent traités avec un mépris que rien ne saurait justifier et capable de soulever d’indignation les cœurs les plus apathiques. On dirait que les blancs ne donnent le jour à des enfants de couleur que