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CHAPITRE HUITIÈME

CATASTROPHE


Depuis quelques jours Madame des Orties est soucieuse. Au repas, taciturne, elle adresse rarement la parole à sa fille qui respecte son mutisme. Plusieurs fois elle a été demandée à l’appareil, et chaque fois, avec sa perspicacité féminine. Pierrette a remarqué qu’elle en est revenue avec un front plus grave, plus rembruni.

Elle voudrait bien questionner : savoir. Mais comment oserait-elle le faire ? Les circonstances ne s’y prêtent pas ; de plus, avait-elle, elle-même, l’habitude des confidences ? Elles se murent toutes deux dans le silence et n’en sortent que pour échanger des banalités.

La jeune fille est sortie. La douceur de la température l’appelle au dehors. Puis, elle a pris en dégoût, ces longues heures en tête à tête avec sa mère, pendant lesquelles, elles n’échangent que de rares paroles. N’est-il pas même arrivé que Pierrette voulant parler d’une partie de plaisir, d’une réception à donner, s’est vu objecter une foule de raisons. Elle sent si bien que sa mère a du chagrin, du chagrin qu’elle lui cache, que la pauvre enfant n’y comprenant rien commence à regretter sincèrement sa décision d’une union avec Guy de Morais, si ce mariage doit lui aliéner l’affection de sa mère. A-t-elle jamais goûté rien d’aussi doux que leurs rares heures d’abandon et de confiance ? Si encore Guy était près d’elle, il chasserait ces pensées tristes, mais il est loin et ses lettres ne peuvent suffire à éclairer tout à fait sa vie. Elle redouble d’attention, de petits soins, car si elle n’est pas expansive, elle est toute de dévouement et de tendresse, jamais l’occasion ne lui a été offerte de le montrer, au contraire, c’est elle