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En arrivant au théâtre, elle exécute un virage rapide et savant qui arrache à Charlie épris ces paroles d’admiration :

— Tu conduis comme un homme.

Tout le temps de la représentation, qui amuse Pierrette, Charlie est là silencieux et préoccupé. La belle enfant ne semble même pas s’en apercevoir.

Au restaurant, la jeune fille regarde de tous côtés, et s’amuse à observer ce qui se passe aux autres tables. Elle s’avise tout à coup de remarquer Charlie ; il la regarde l’air surpris et mécontent presque.

— Serais-tu redevenu amoureux ?

Bourru, il répond :

— Je le suis plus que jamais, et tu te ris de moi. Pierrette c’est mal.

— Je ris, Charlie, mais je ne ris pas de toi. Sais-tu pourquoi tu m’as aimée, pourquoi tu m’aimes encore ? Parce que je ris.

— Peut-être bien, approuva Charlie, peu convaincu.

— Tu ne t’amuses plus ici, tu me crois coquette parce que je m’occupe d’autre chose que de toi ; partons tout de suite, filons.

Et tandis que Charlie règle la note, Pierrette a enfilé ses longs gants et sans l’attendre, s’est installée dans l’auto.

— Allons faire une promenade, propose Charlie.

Ils partent par la Grande-Allée, et sans plus s’occuper de son compagnon, Pierrette conduit.

Aussitôt les limites de la ville franchies, se tournant vers son fiancé, elle dit :

— Tu as de la peine, Charlie. Qu’y-a-t-il ? Dis donc.

— Je pars demain, dis, tu vas t’ennuyer un peu.

— Un peu, beaucoup, répond Pierrette.

— Combien de temps seras-tu parti ? questionna-t-elle encore.

— Un mois, deux mois, plus peut-être.

— Mais… tu ne reviendras qu’à l’époque de notre mariage.

— C’est possible, répond tristement Charlie.