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La première pensée de Charlie est pour Madame des Orties, il l’appelle au téléphone. Il ne veut pas lui dire comme cela à brûle-pourpoint qu’ils ont eu un accident. Il se borne à demander de tenir un lit prêt pour l’arrivée de Pierrette qui s’est sentie mal tout à coup.

Mme des Orties ne pose aucune question inutile. Mentalement, elle se fait cette réflexion : la chaleur, peut-être, l’émotion trop vive. Enfin, bien que ces accidents ne lui soient pas coutumiers. Pierrette peut s’être sentie fatiguée. Tous ces raisonnements ne suffisent pas à la tranquilliser, et les minutes qui la séparent de l’arrivée de sa fille et de son fiancé lui paraissent des siècles.

Pendant ce temps Charlie appelle l’ambulance. Puis tandis que le lourd véhicule s’avance lentement, Charlie contemple la petite tête qui va douloureusement de droite et de gauche au moindre cahotement de la route. Pas une minute les yeux ne s’ouvrent. Charlie, les traits tirés plus par la souffrance morale qui l’étreint en pensant à cette catastrophe de son retour, qu’à l’idée des soupçons qu’il découvrira peut-être dans l’attitude, les silences, les regards de Madame des Orties, souffre atrocement. La douleur physique qu’il devrait ressentir de son épaule meurtrie, il ne la sent pas, il n’y songe pas. Toutes les forces de son âme, toute sa puissance de souffrir est aimantée vers Pierrette.

Le médecin a voulu lui faire un pansement, d’un ton bref il a répondu :

— Je saurai quand il sera temps de m’occuper de cette éraflure.

Plus la montée s’avance, plus Charlie si vaillant devant un danger, se sent désemparé. Si cet accident allait avoir des suites fâcheuses.

La lourde voiture s’immobilise. Le chauffeur ouvre la portière où se trouve le jeune homme assis au côté de la blessée. Charlie comprend tout à coup que le moment décisif est arrivé. Comme toujours devant le danger, il sait se commander. Il se lève, prend son bout du brancard que l’étranger soutient à l’autre ex-