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se. Je serai incinéré d’abord, et ensuite nous verrons.

Je demande donc cette condamnation dans un but de justice ; on me dira peut-être que cela ne me regarde pas, mais c’est logique et ça s’impose.


Pour terminer, mon cher Charlebois, et pour votre gouverne, rappelez-vous ceci : Quiconque a offensé le fils de l’épicier du faubourg St-Joseph, ne peut compter que sur la rancune d’un parvenu.

J’en sais quelque chose.

Toutes les issues m’ont été fermées, les travaux que j’ai faits pendant quatorze ans pour le compte de grandes institutions m’ont été retirés, les traductions que j’ai faites pendant vingt ans m’ont été enlevées, et aujourd’hui, absolument indifférent à tout, stoïque au suprême degré, je me contente de vivoter en défiant qui que ce soit de me rendre plus pauvre que je ne suis, mais en étant capable tout de même de subvenir à mes dépenses légitimes à l’aide du travail que je fais toutes les nuits dans le silence de mon cabinet.

En outre, si après avoir été condamné, si le malheur vous en veut au point que vous soyez obligé de traverser un certain faubourg de Montréal, par une soirée d’été, vous verrez des gens pieds nus, la chemise ouverte, hirsutes, mordant le court tuyau d’un brûle-gueule culotté, et affalés sur les trottoirs, qui crieront en vous voyant passer : « V’là l’maudit ! »

Vous voyez que la perspective est jolie.

Je ne blâme personne, mais je soupçonne fort qu’il y a des influences qui militent tout le temps contre moi. Il ne faudrait pas croire, toutefois, que j’ai la marotte de la persécution, car je détruirais