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Malheur donc à celui qu’une affaire imprévue
Engage un peu trop tard au détour d’une rue !
Bientôt quatre bandits, lui serrant les côtés :
« La bourse ! il faut se rendre !… »

L’ordre donné, à cette époque, aux directeurs de spectacles publics, d’avoir terminé à quatre heures de l’après-midi leurs représentations, de crainte que les bourgeois ne fussent dévalisés à leur sortie ; — le mot de La Fontaine aux voleurs qui le débarrassaient de son manteau : « Messieurs, vous ouvrez de bonne heure ; » — l’idée plaisante de l’abbé Terrasson, qui datait la décadence des lettres de l’établissement des lanternes, attendu, disait-il, qu’avant cette époque, chacun rentrait de bonne heure, de peur d’être assassiné, ce qui tournait au profit de l’étude : — tout cela prouve bien que les efforts tentés jusqu’au xviie siècle, pour veiller à la sécurité de Paris, étaient demeurés inutiles.

Nous allons donner un précis rapide de l’histoire de l’établissement et des perfectionnements de l’éclairage public à Paris, car c’est la capitale de la France qui donna le signal des améliorations sous ce rapport, et son exemple fut bientôt suivi dans les autres pays de l’Europe.

Les premiers essais de l’éclairage public commencèrent à Paris en 1524. À cette époque, des bandes incendiaires jetaient le désordre et l’effroi dans plusieurs villes du royaume. Le 24 mai 1524, le tiers de la ville de Meaux avait été détruit par un incendie allumé par des malfaiteurs. C’est pour prévenir ces malheurs qu’un arrêt du parlement de Paris, du 7 juin 1524, ordonna aux bourgeois de cette dernière ville de mettre des lanternes à leur fenêtre, et de tenir chaque soir, près de leur porte, un seau rempli d’eau, afin d’être prêts à toute menace d’incendie.

« Pour éviter, est-il dit dans cet acte, aux périls et inconvénients du feu qui pourraient advenir en cette ville de Paris, et résister aux entreprises et conspirations d’aucuns boutefeux étant ce présents en ce royaume, qui ont conspiré mettre le feu ès bonnes villes de cedit royaume, comme jà ils ont fait en aucunes d’icelles villes ; la Cour a ordonné et enjoint derechef à tous les manans et habitans de cette ville, privilégiés et non privilégiés, que par chacun jour ils ayent à faire le guet de nuit… Et outre, icelle Cour enjoint et commande à tous les-dits habitans et chacun d’eulx, qu’ils ayent à mettre à neuf heures du soir à leurs fenestres respondantes sur la rue une lanterne garnie d’une chandelle allumée en la manière accoutumée, et que ung chacun se fournisse d’eaue en sa maison afin de rémédier promptement audit inconvénient, se aucun en survient, »

En 1525, une bande de voleurs appelés mauvais garçons exerçait à Paris des pillages, que l’autorité demeurait impuissante à réprimer. Elle détroussait les passants, battait le guet, volait les bateaux sur la rivière, et, à la faveur de la nuit, se retirait hors de la ville, avec son butin. À ces brigands se joignaient des aventuriers français, des bandes italiennes et corses, troupes mal payées, qui ne vivaient que de vol, et désolaient Paris et ses environs, sans que l’on pût mettre un terme à leurs ravages. Le 24 octobre 1525, le parlement fit publier de nouveau l’ordonnance des lanternes et du guet, « pour les adventuriers, gens vagabonds et sans aveu qui se viennent jeter en cette ville. » Par une nouvelle ordonnance du 16 novembre 1526, il fut enjoint « que, en chacune maison, y eust lanternes et chandelles ardentes comme il fut fait l’an passé, pour éviter aux dangers des mauvais garçons qui courent la nuit par cette ville. » Un lieutenant criminel de robe courte fut institué en même temps, pour juger les coupables pris en flagrant délit.

Malgré l’ordonnance des lanternes, en dépit du lieutenant criminel et de sa robe courte, les mauvais garçons continuèrent à désoler la ville, et l’on dut prendre de nouvelles mesures pour essayer de réprimer ces désordres. Par un arrêt rendu le 29 octobre 1558, la chambre du conseil donna au guet de Paris une organisation nouvelle. On ordonna que dans toutes les rues où le guet était établi, un homme veillerait avec du feu et de la lu-