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rapport les diverses transformations des corps gras que la science avait fait connaître, et en particulier les acides gras solides, dont l’identité avec l’adipocire avait été constatée. Mais je fus longtemps arrêté par un inconvénient que présentaient, dans leur combustion, les acides stéarique et margarique confectionnés en bougies, inconvénient d’autant plus grave que, s’il n’avait pas été levé, l’emploi de ces substances dans l’éclairage aurait été impossible.

« La fabrication des bougies ne présentait aucune difficulté ; mais, lorsqu’on allumait une de ces bougies faites avec une mèche ordinaire de coton, la mèche, après quelques instants, se resserrait dans sa partie supérieure, en se charbonnant et en se réduisant promptement en cendres. Dans sa partie moyenne, au milieu de la flamme, elle n’était presque pas noircie ; et, dans sa partie inférieure, elle était trop imbibée de la substance en fusion pour être même attaquée par la chaleur. L’ascension de cette substance étant ainsi ralentie par le resserrement de la mèche dans la partie supérieure, l’engorgement du liquide se produisait dans la partie inférieure, et l’intervalle le long duquel s’opérait la combustion, devenait trop court. Une partie du liquide était bientôt projetée dans cet espace par l’ébullition, et donnait lieu à des jets de lumière, jusqu’à ce que l’excédant coulât en dehors de la bougie. La combustion reprenait alors son activité, mais pour être arrêtée un instant après par le renouvellement du même effet.

« Cet inconvénient dans la combustion des acides gras solides au moyen d’une mèche ne se présentait pas toujours au même degré. Il variait selon que la quantité d’acide oléique était plus ou moins grande dans les bougies, et selon que la matière grasse saponifiée était restée plus ou moins de temps, dans sa préparation, en contact avec l’eau. Ayant reconnu qu’il était impossible de l’éviter, si l’on voulait fabriquer économiquement les acides gras solides, nous fûmes conduit à chercher, dans les moyens de combustion plutôt que dans les moyens de préparation de ces substances, la solution de la difficulté qui arrêtait leur emploi dans l’éclairage.

« L’acide oléique surtout ne pouvait être brûlé dans une lampe avec une mèche ordinaire ou tissée. La mèche était presque instantanément détruite. Il n’en était plus de même, lorsqu’elle était faite, non avec une substance végétale, telle que le coton, mais avec une substance minérale, telle que l’amiante. La combustion s’opérait alors comme une huile ordinaire. Mais comme, dans les bougies ou chandelles, la mèche doit être brûlée à mesure qu’elle est mise à découvert par la combustion du corps qui l’alimente, on ne pouvait employer, pour la confection de cette mèche, qu’une substance végétale. Il fallait donc régler son incinération, de manière à empêcher le resserrement trop prompt des fils.

« Dans ce but, nous fîmes l’essai de petites mèches tissées creuses, telles qu’on les emploie dans l’éclairage des lampes. Ces mèches creuses favorisaient la transformation en vapeur de la substance grasse, façonnée en bougies, et suppléaient ainsi au défaut de tirage provenant du resserrement du tissu, au moins pendant le temps nécessaire pour la combustion du corps gras.

« Mais des mèches pleines, dont les fils étaient très-rapprochés, soit par la torsion, soit par le tissage, s’opposaient plus efficacement aux inconvénients reconnus. Elles participaient en quelque sorte par la fixité des fils de la nature des mèches d’amiante. Aussi furent-elles préférées dès que l’obstacle provenant de la roideur, qui s’opposait à leur incinération, eut été levé par une courbure, qui leur permettait de sortir de la partie supérieure de la flamme.

« C’est ainsi que nous avons proposé, dans le temps, pour la combustion de l’acide oléique des mèches d’amiante, et, pour celle des bougies faites avec les acides gras, d’abord une mèche tissée creuse, puis une mèche pleine, et de préférence une mèche tressée, qui se courbait d’elle-même pendant la combustion. Par sa confection très-simple, cette mèche devait avoir la préférence sur toutes celles qui remplissaient le même but, mais qui auraient présenté plus de difficultés dans la fabrication et l’usage ; telles sont les mèches dont les fils auraient été roulés en spirales, comme les cordes métalliques de musique, ou auraient été façonnées en zigzag, etc.

« À mesure que la fabrication fut établie sur une plus grande échelle, nous ne tardâmes pas à reconnaître que, dans les limites qu’il fallait accorder au degré de pureté des substances grasses, les effets d’une combustion incomplète pouvaient ne pas être toujours détruits par l’action des mèches tissées, surtout pour les bougies qui contenaient une quantité sensible d’acide oléique. Il fallait donc s’opposer par une autre action au resserrement des fils.

« Une remarque nous avait frappé d’autant plus vivement, qu’elle avait donné lieu de croire, dès l’origine, que l’inconvénient signalé dans la combustion des acides gras était purement accidentel, et ne se reproduirait pas constamment dans la pratique, lorsque la préparation de ces acides serait perfectionnée. Le phénomène ne se montrait pas toujours au moment même où la bougie était allumée, mais souvent plusieurs minutes après, lorsque la partie de la mèche, d’abord enflammée, avait été incinérée et remplacée par la partie suivante que la combustion avait mise à découvert

« Ce fait, dont nous n’avions pas su d’abord tirer toutes les conséquences, nous fit penser plus tard qu’en charbonnant par un agent chimique les fils dont la mèche était composée, nous empêcherions par ce moyen leur rapprochement qui supprimait