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qu’une partie accessoire du problème : « L’objet direct de vos efforts, ajoute M. Herschell, était de dire où était placé le corps troublant à l’époque de la recherche, et où il s’était trouvé pendant les quarante ou cinquante années précédentes. Or c’est ce que vous avez fait connaître avec une parfaite exactitude. »

Après un tel témoignage, auquel on pourrait joindre celui de bien d’autres astronomes étrangers, et celui de nos illustres compatriotes, MM. Biot, Cauchy, Faye, etc., on voit quel cas il faut faire des singulières assertions dont la découverte de M. Le Verrier a été l’objet. Grâce aux commentaires des petits journaux, une bonne partie du public s’imagine encore aujourd’hui que la planète de M. Le Verrier a disparu du champ des télescopes, tandis qu’au contraire, depuis le jour de sa découverte, elle a si bien suivi la route que l’astronome français lui avait assignée, que chacun peut maintenant, à l’aide de ses indications, l’observer dans le ciel, s’il est muni d’une lunette fort ordinaire. En résumé, le Neptune trouvé par M. Galle, comme la planète calculée par M. Le Verrier, rendent parfaitement compte des perturbations d’Uranus, et leur identité ne saurait être contestée par aucun savant de bonne foi.

Telle est, réduite à ses termes les plus simples, l’histoire de cette découverte extraordinaire, qui occupera une si grande place dans les annales de la science contemporaine. Ce qui a frappé surtout et ce qui devait frapper en elle, c’est la confirmation merveilleuse qu’elle a fournie de la certitude des méthodes mathématiques qui servent à calculer les mouvements des corps célestes. Elle nous a appris comment l’intelligence, aidée de ce précieux instrument qu’on appelle le calcul, peut en quelque sorte suppléer à nos sens, et nous dévoiler des faits qui semblaient jusque-là inaccessibles à l’esprit.

Mais ce qui a été moins remarqué, c’est la confirmation éclatante que cette découverte a apportée à la loi de l’attraction universelle. Les anomalies d’Uranus avaient fait craindre à quelques astronomes que, à la distance énorme de cette planète, la loi de l’attraction ne perdît une partie de sa rigueur : la découverte de Neptune est venue nous rassurer sur l’exactitude de la loi générale qui règle les mouvements célestes. Cependant, dans son bel exposé du travail mathématique de M. Le Verrier, imprimé en 1846 dans le Journal des savants, M. Biot assure que cette confirmation était loin d’être nécessaire ; et que la loi de Newton n’était nullement mise en péril par les irrégularités d’Uranus. Il cite à ce propos une série de faits astronomiques, tous fondés sur la loi de l’attraction et dont la précision et la concordance suffisaient, selon lui, pour établir la certitude absolue de cette loi. Les preuves invoquées par M. Biot sont sans réplique ; que l’on nous permette cependant de faire remarquer que tous les exemples invoqués par l’illustre astronome se passent tous, si l’on en excepte le fait emprunté à la réapparition des comètes, dans un rayon d’une étendue relativement médiocre. Au contraire, la planète Neptune est placée aux confins du monde solaire. Or la considération de la distance n’est pas ici un élément à dédaigner. Il n’est pas rare, en effet, de voir certaines lois physiques commencer à perdre une partie de leur rigueur quand on les prend dans des conditions extrêmes. C’est ainsi que les belles recherches de M. Regnault ont démontré que les lois de la compression et de la dilatation des gaz se modifient quand on les considère au moment où les gaz se rapprochent de leur point de liquéfaction. N’était-il pas à craindre, d’après cela, que la loi elle-même de l’attraction ne pût subir une altération de ce genre, qui ne deviendrait sensible qu’à partir de certaines limites ? Dans un moment où, d’après les résultats des recherches les plus récentes de nos physiciens, on remarque une tendance