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soude artificielle de Marseille. C’est cette circonstance qui a déterminé M. Paul Morin à faire fabriquer à l’usine de MM. Merle, à Alais, l’aluminium par le procédé que nous allons maintenant décrire.

On prend 110 kilogrammes de chlorure d’aluminium et 40 kilogrammes de cryolithe. On pulvérise bien exactement ce mélange, auquel on ajoute 35 kilogrammes de sodium, préalablement coupé en morceaux au moyen du couteau.

Ce mélange opéré, on commence par chauffer le four. Ce four, que représente la figure 437, consiste en une longue cavité à voûte surbaissée, A, que la flamme du foyer, F, peut parcourir dans toute son étendue, avant de s’échapper avec la fumée par l’orifice, H, qui est l’entrée du tuyau de cheminée. Ce tuyau n’est pas entièrement visible sur notre dessin, parce qu’il se recourbe de haut en bas, comme dans beaucoup de cheminées d’usines, dites cheminées traînantes. On voit en I la partie descendante de ce tuyau de cheminée.

Quand le four est bien chaud et que la flamme remplit toute sa capacité, on y projette le mélange de chlorure d’aluminium, de cryolithe et de sodium, par le trou E, lequel est fermé par un tampon métallique que l’on peut promptement déplacer et replacer. Le mélange n’étant pas exposé au contact de l’air, puisqu’il tombe aussitôt dans la flamme du four, le sodium ne s’oxyde pas. Dès qu’il est tombé sur la sole du four le mélange fond, et la réaction entre le chlorure d’aluminium et le sodium commence. Elle se traduit au dehors par une série de petites explosions, qui annoncent la décomposition graduelle du chlorure et la mise en liberté de l’aluminium.

À mesure qu’il est mis en liberté, l’aluminium entre en fusion et occupe le bas de la sole du four. Le chlorure de sodium résultant de la réaction, ainsi que le fluorure de la cryolithe, fondent également, et forment au-dessus du métal fondu, une couche qui le préserve de l’oxydation. Cependant une partie du métal se trouve brûlée, ce qui occasionne toujours des pertes.

L’opération dure environ trois heures et demie. Au bout de ce temps, tout le chlorure d’aluminium est décomposé. Alors on enlève la première brique, C, qui ferme le four, à l’opposé du foyer. Les parties les plus légères du mélange liquéfié par la chaleur, s’écoulent au dehors par cette ouverture, en suivant la rigole de fonte, B. Ce sont les scories, c’est-à-dire le mélange de chlorure et de fluorure de sodium provenant de la réaction ainsi que du fondant. On les reçoit dans une caisse de tôle, portée sur un chariot à roues qui reposent elles-mêmes sur les rails d’un petit chemin de fer.

Quand la caisse est pleine de ces scories liquides et brûlantes, on retire le chariot, et on le remplace immédiatement par un vase de fonte, J. Retirant alors la seconde brique, D, on laisse couler l’aluminium fondu dans ce vase. Sans le laisser refroidir, on verse aussitôt le métal fondu dans des lingotières.

Avec les proportions indiquées ci-dessus, une opération fournit 10 kilogrammes d’aluminium.

On voit que la préparation de l’aluminium exige l’intervention du sodium. Le sodium, indispensable à cette fabrication, se prépare dans les mêmes usines qui servent à l’extraction de l’aluminium. Comme la préparation du sodium donne le curieux exemple d’une opération de laboratoire transportée sans modifications dans le domaine de l’industrie, nous croyons devoir en dire ici quelques mots.

Il n’y a pas bien longtemps, le sodium était un produit exclusif des laboratoires de chimie. On ne l’avait jamais obtenu qu’en quantités très-faibles, et seulement comme échantillon pour les cours et les collections de chimie. On le payait alors 800 francs ou 1 000 francs le kilogramme. Grâce aux modifications que