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pétrole de Tarr-Farm, qui se nuisaient ainsi réciproquement, commencèrent par se quereller. Mais ils eurent bientôt le bon esprit de s’entendre pour partager les produits fournis par les deux sources rivales.

Les puits donnent, en général, de 40 à 100 barils de pétrole par jour. À Tidione, on compte 17 000 puits qui rendent chacun 45 000 litres par jour. À Mena, dans l’État de l’Ohio, un puits produit, dit-on, 100 000 litres par jour. Enfin, MM. Black et Matesson sont les heureux propriétaires d’un puits qui fournit l’énorme quantité de 6 000 hectolitres par jour. La colonne d’huile jaillirait à une hauteur de 10 mètres, si l’on n’avait soin de la contenir.

Quand les premières sources jaillissantes apparurent dans la vallée de l’Oil-Creek, en Pensylvanie, on ne savait comment s’y prendre pour maîtriser la puissance de leur jet, et les forcer à passer dans les tubes, munis de robinets, qui les conduisent dans les cuves. Les pertes de pétrole furent alors énormes ; le liquide se répandait dans les champs, formant des lacs et des rivières. Son odeur insupportable et ses vapeurs asphyxiantes, enfin les chances de l’incendie, exposaient les ouvriers aux plus grands dangers. Beaucoup d’entre eux en furent victimes. Un exemple, choisi entre vingt autres, fera comprendre la gravité des accidents auxquels étaient exposés alors les chercheurs d’huile.

Le journal le Buffalo, du mois de mai 1862 écrivait ce qui suit :

« Pendant le forage d’un puits à Tidione (Pensylvanie), il se déclara subitement un courant d’huile jaugeant soixante-dix fûts à l’heure, s’élevant à une hauteur de 12 mètres au-dessus du sol. Cette colonne était surmontée d’un nuage de gaz et de benzine, ayant une hauteur de 15 à 18 mètres. Tous les feux du voisinage furent immédiatement éteints, excepté un seul qui était éloigné du puits d’environ 360 mètres ; mais, malgré cette précaution, le gaz s’enflamma à ce foyer, et dans un instant, toute l’atmosphère fut embrasée. Sitôt que ce gaz s’enflamma, il communiqua le feu au sommet du jet d’huile qui, dans sa chute, se répandait sur un diamètre de plus de 30 mètres en une véritable gerbe de feu. Le sol s’enflamma aussi à l’instant et le cercle de cette inflammation s’étendait continuellement, alimenté par la chute de l’huile brûlante. Il s’ensuivit une scène d’horreur indescriptible ; quantité de travailleurs furent lancés par l’explosion à plus de 7 mètres de distance : d’autres, horriblement brûlés, fuyaient cet enfer incandescent, poussant des cris de terreur et d’agonie. Toute l’atmosphère était en flammes. La colonne d’huile, haute de 12 mètres, représentait un pilier de flamme livide, tandis que le gaz en dessus, à une hauteur de plus de 30 mètres, éclatait avec fracas sur le ciel et paraissait lécher les nuages. Pendant tout le temps que dura cette affreuse conflagration, la combustion et les explosions furent d’une nature si terrible et si violente, qu’elles ne sauraient se comparer qu’à l’ouragan frayant son passage à travers la forêt. L’intensité de la chaleur était telle qu’on ne pouvait en approcher de plus de 50 mètres. Cet embrasement était le plus effrayant et en même temps le plus grandiose spectacle pyrotechnique qui ait jamais été offert à l’homme. La combustion de l’huile n’a cessé que par son épuisement. »

L’expérience a appris à prévenir ces accidents épouvantables. Aujourd’hui, dès qu’apparaît le jet liquide, on enfonce dans l’ouverture du puits, un sac rempli de graines de lin ; et l’on maintient ce sac en place avec des poids, jusqu’à ce que la graine, gonflée et ayant triplé de volume, bouche hermétiquement le passage à l’huile jaillissante. Ensuite on passe à travers le sac autant de tubes qu’on le veut. Ces tubes, donnant écoulement à l’huile, la dirigent et la répartissent dans les différentes cuves.

La première source jaillissante qui fut mise à jour au Canada, fut celle de John Shaw. L’histoire de cet événement est d’un intérêt tout particulier. Nous la rapporterons d’après le Toronto Globe du 5 février 1862, parce qu’il fait bien comprendre les étranges conditions du travail du chercheur d’huile américain et les péripéties qui peuvent accidenter son existence.

« Dans un certain puits profond, dit ce journal, près Victoria, sur le lot 18 de la seconde concession de la ville d’Ennis-Killen, un certain John Shaw avait concentré pendant des mois toutes ses espérances. Il creusait péniblement, forait péniblement et pompait péniblement et épuisait sa force musculaire sur sa