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perdre de son éclat, devait être assez adoucie, pour ne rien accuser avec crudité.

L’Opéra fit relâche pendant huit jours pour réparations extraordinaires, et une répétition générale eut lieu, dans laquelle on fit l’essai du nouvel éclairage. On jouait les Filets de Vulcain, ballet à grand spectacle. La répétition fut splendide.

Le soir de la représentation venu, tout marcha à la satisfaction générale. Le gaz hydrogène fit merveille. La lumière ne parut pas trop vive ; ni la beauté ni la parure ne perdaient rien à cette illumination nouvelle. Pas une dame, en effet, ne se servit du store établi dans chaque loge, ou ne s’abrita derrière son éventail. Quant, aux danseuses, comme la scène était mieux éclairée que jamais, elles trouvèrent que tout était pour le mieux.

Cependant, à mesure que l’éclairage au gaz gagnait du terrain, ses adversaires redoublaient d’efforts et d’audace pour le combattre. L’introduction de cet éclairage dans la salle de l’Opéra et dans quelques autres théâtres, devint le signal de plusieurs tentatives coupables, destinées à jeter des inquiétudes dans la population sur les dangers attachés à son emploi. Les boutiques, les passages et les établissements publics, se trouvèrent plus d’une fois soudainement plongés dans l’obscurité, par suite de l’extinction subite du gaz, occasionnée par la malveillance. Quelques accidents, qui étaient inévitables à cette époque, furent démesurément grossis, et les craintes qu’ils éveillaient étaient exploitées avec une habileté perfide.

Une explosion de gaz eut lieu le 26 août 1821, au Palais-Royal, chez le restaurateur Prévost. Aucun individu ne se trouvait dans la salle au moment de l’explosion, ce qui n’empêcha pas d’affirmer que trente personnes avaient été blessées par suite de cet accident.

À la même époque, une grande cuve de bois qui servait de réservoir d’eau au gazomètre de l’usine du Luxembourg, étant venue à se rompre, par suite du poids trop considérable du liquide, les eaux se répandirent dans tout le quartier, inondèrent la rue de Tournon, et s’écoulèrent dans la rivière, par l’égout de la rue de Seine, exhalant sur leur trajet une odeur méphitique. Tout Paris retentit des plaintes qui s’élevèrent à propos de cet accident. On publia que ces eaux infectes, déversées dans la Seine, y avaient fait périr une grande partie du poisson, et que, dans la rue de Tournon, un homme était mort asphyxié par les émanations du liquide répandu sur la voie publique. L’autorité se vit même contrainte de faire démentir ce dernier bruit.

En même temps les journaux politiques, entre autres le Drapeau blanc, la Gazette de France et la Quotidienne, qui manifestaient, dans cette question, une hostilité toute particulière, ne perdaient pas une occasion de rapporter, en les amplifiant, les événements fâcheux qui s’étaient produits à Londres par suite de l’emploi du gaz dans l’éclairage public. Enfin, les habitants du faubourg Poissonnière adressaient une pétition au ministre de l’intérieur, pour protester contre l’autorisation accordée le 13 octobre 1821, à la Compagnie Pauwels, d’élever une usine à gaz dans l’ancien hôtel du comte François de Neufchâteau. Les dimensions, considérables pour cette époque, du gazomètre de cette usine, remplissaient d’effroi des habitants de ce quartier, qui conjuraient le ministre d’écarter de leur voisinage « ce foyer incendiaire, situé au centre de sept pensions de jeunes demoiselles, de deux maisons de santé, d’un établissement de charité contenant trois cents jeunes filles, et d’une vaste caserne. »

Les alarmes du faubourg Poissonnière obtinrent d’ailleurs une juste satisfaction : le ministre Corbière annula l’acte de société accordé par le préfet de police Anglès, à la Compagnie Pauwels.

Mais de toutes les attaques qui furent dirigées, à cette époque, contre le gaz de l’éclairage, aucune ne produisit autant d’im-