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4 240 litres de gaz hydrogène du charbon de terre ? Cela résulte de notre calcul sur le rapport du pouvoir lumineux des gaz à celui de l’huile.

« Les conduits qui transportent le gaz sont d’une longueur immense. Dans nos lampes, c’est un petit tuyau de fer-blanc de quelques centimètres de longueur, qui sans doute paraîtra vingt mille fois moins dispendieux.

« Le fourneau de l’appareil distillateur, c’est la mèche, elle est encore à la fois la cornue incandescente d’où s’échappe le gaz lumineux dont nous recherchons l’éclat.

« Quant au charbon qui brûle sous les cornues dans les appareils à produire le gaz, quant aux machines si variées, et trop compliquées, pour le lavage du gaz, je ne peux pas en trouver les analogues dans l’ancien procédé, mais je ne suppose pas que personne veuille en faire un argument contre ce procédé.

« Ainsi, en résumant cette comparaison, nous voyons que si nous trouvons dans l’éclairage à l’huile des analogues avec l’éclairage au gaz, tout est à l’avantage du premier système. Le gazomètre, le fourneau et les conduits sont, dans ce système, mille et mille fois moins grands, moins dispendieux que dans le nouveau système.

« On a fait valoir à l’avantage de l’éclairage au gaz jusqu’aux moindres détails : il évite, dit-on, les taches d’huile et de suif. Oui, sans doute, c’est un inconvénient de l’ancien procédé de pouvoir faire des taches par maladresse ; mais la maladresse aussi, dans le nouveau procédé, n’aura-t-elle pas occasion de causer des accidents ? Est-il, par exemple, impossible que le gaz s’échappe dans un corridor, dans un cabinet peu spacieux, et qu’il s’y accumule assez pour faire explosion et causer de grands malheurs, quand on y arrivera avec une bougie à la main ? Cette chance vaut bien celle des taches d’huile et de suif. »

Clément Désormes résume dans les lignes suivantes, l’ensemble de ses réflexions :

« Si nous nous informons du prix de cet éclairage, nous le trouverons beaucoup plus cher que notre éclairage à l’huile, et avantageux seulement en Angleterre à cause du prix élevé de l’huile dans ce pays. En France, le procédé nouveau offrirait une très-grande perte.

« Si nous portons nos vues plus loin que le présent, nous rejetons le nouveau procédé, parce que nous voyons avec plus de plaisir cultiver nos champs incultes pour en obtenir de l’huile, qu’exploiter notre charbon de terre, dont nous devons être avares.

« Envisageons-nous les deux procédés comme chimiste, toute la supériorité, toute la simplicité, et par conséquent tout le génie est dans l’éclairage à l’huile.

« La nouveauté pourrait-elle nous tenter ? Mais les lampes à double courant d’air sont nouvelles ; c’est de nos jours qu’Argand a fait cette belle découverte, et nous pouvons en glorifier notre époque même ; d’ailleurs des perfectionnements dans le mécanisme et dans la forme y sont encore ajoutés tous les jours.

« Ainsi la conclusion à laquelle nous arrivons de toute manière, c’est que l’éclairage au gaz, tel qu’il est pratiqué maintenant en France et en Angleterre, est excessivement loin d’être plus économique ou plus ingénieux que celui de l’huile tel que nous le possédons[1]. »

Clément Désormes termine son mémoire par une idée assez piquante, et qui fit fortune un moment. Il suppose que les hommes aient, de tout temps, connu l’éclairage au gaz, et que tout à coup, on annonce que l’on vient de découvrir le moyen de condenser le gaz en un liquide huileux et en une matière solide propre à nous éclairer. Avec quelle reconnaissance n’eût-on pas accueilli cette amélioration apportée aux procédés de l’éclairage ! Avec un tel système, plus d’usines à construire, plus de réservoirs immenses à élever, plus de dangers à craindre ! La substance éclairante peut se transporter d’un lieu à un autre, sans appareil particulier. Sous sa forme liquide, elle brûle dans les lampes avec le plus grand éclat ; sous la forme solide, on la façonne en chandelles et en bougies. Dans ces deux cas, le volume de la matière est prodigieusement diminué ; on se passe de tubes conducteurs ; on n’a plus besoin d’appareils hermétiquement clos, de conduits creusés à grands frais sous le sol, etc. Enfin les lumières n’ont plus dans l’appartement de position fixe et déterminée :

« Supposons, nous dit Clément Désormes, que l’éclairage au gaz ait été le premier connu, qu’il soit partout en usage, et qu’un homme de génie nous présente une lampe d’Argand ou une simple bougie allumée. Que notre admiration serait grande devant une si étonnante simplification ! et s’il ajou-

  1. Appréciation du procédé d’éclairage par le gaz hydrogène du charbon de terre. Brochure de 41 pages, Paris, 1819.