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geant la main je ne pusse découvrir la moindre élévation de température.

« Je pensai que cette ébullition devait provenir du dégagement de vapeurs bitumineuses ou sulfureuses, d’autant plus qu’à moins de trente ou quarante yards de distance se trouvait l’orifice d’une mine de houille ; et, en effet, Wigan, Ashton, et toute la contrée à quelques milles à l’entour, sont riches en houillères. Alors, approchant ma main de la surface de l’eau, à l’endroit où la flamme s’était manifestée, je sentis un souffle analogue à un courant d’air.

« Je fis faire alors un barrage pour empêcher l’arrivée d’une nouvelle quantité d’eau dans le trou, et fis puiser toute celle qui s’y trouvait ; puis, approchant la chandelle allumée de la surface du terrain sec à l’endroit même où l’eau brûlait auparavant, les vapeurs prirent feu en produisant une flamme forte et brillante ; cette flamme s’élevait à un pied au-dessus du sol, en forme d’un cône dont la base était de la dimension du bord d’un chapeau. Je fis alors jeter un seau d’eau sur la flamme qui s’éteignit, et mes compagnons, qui commençaient à croire que ce n’était pas l’eau qui brûlait, cessèrent de me plaisanter.

« Je ne remarquai pas que la flamme eût la couleur de celles produites par les corps sulfureux, ni qu’elle manifestât aucune odeur. Les vapeurs sortant de la terre ne présentaient pas d’élévation de température sensible à la main, à ce que je me rappelle. »

En 1664, le docteur Clayton observa un phénomène tout semblable, à la surface d’une mine de houille. En approchant un corps en ignition de certaines fissures de la veine de charbon, on voyait aussitôt apparaître une flamme. Clayton attribua ce fait à une vapeur spontanément dégagée du charbon, et pour vérifier sa conjecture, il soumit le charbon de cette mine à la distillation.

Il reconnut que la houille décomposée par la chaleur, fournissait de l’eau, une substance noire, qui n’était autre chose que du goudron, et un gaz (spirit) qu’il ne put parvenir à condenser. Enflammé au bout d’un tube placé à l’extrémité de l’appareil, ce gaz brûlait, en émettant beaucoup de lumière. Clayton désigna ce produit sous le nom d’esprit de houille, s’imaginant que ce combustible était le seul corps qui pût lui donner naissance.

Hales, qui répéta, cinq ans après, cette expérience fondamentale de James Clayton, reconnut que le charbon de terre soumis à la calcination, fournit un tiers de son poids de vapeurs inflammables[1].

Le savant évêque de Landaff, le docteur Watson, qui s’occupa, en 1769, des produits de la distillation du charbon et du bois, annonça également qu’il avait retiré de ces matières un gaz inflammable, une huile épaisse ressemblant à du goudron et un résidu de charbon poreux et léger[2].

En 1786, lord Dundonald avait établi plusieurs fours pour la distillation de la houille, afin d’en retirer du goudron. On reconnut que les vapeurs dégagées pendant l’opération, étaient très-inflammables. Mais, loin de tirer parti de ces produits comme agents lumineux ou combustibles, on les laissait échapper par toutes les ouvertures des appareils, on les brûlait à la bouche des fourneaux. On imagina seulement de disposer des tuyaux métalliques pour conduire hors de l’atelier le gaz, que l’on fit brûler à l’extrémité de ces tubes. On produisait ainsi de la lumière à une certaine distance des fours.

Cependant on ne voyait, en tout cela, qu’un phénomène curieux, qui servit longtemps de jeu aux ouvriers de l’usine. Un Allemand, nommé Diller, jugea à propos d’en faire à Londres, une exhibition publique, sur le théâtre du Lycée. Il faisait brûler des flambeaux alimentés par les gaz provenant de la distillation de la houille : on désignait ce phénomène sous le nom de lumière philosophique.

Le pouvoir éclairant du gaz qui prend naissance pendant la calcination de la houille, a donc été observé de bonne heure en Angleterre ; mais le gaz qui se forme dans cette circonstance, était regardé comme un produit exclusivement propre au charbon de mine. Ce fait, découvert par hasard et en dehors de toute idée scientifique, n’avait conduit à aucune vue générale ; il ne peut rien enlever

  1. Statique des végétaux, t. I.
  2. Essais chimiques, t. II.