Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.

applaudir au zèle et au talent du citoyen Alexandre ; mais, outre que le modèle de sa machine laisse à douter s’il serait possible de l’établir en grand, ce qu’il annonce comme découverte n’est autre chose que l’art très-connu et très-varié d’écrire et de transmettre par signes ou figures. Les télégraphes qu’on a fait exécuter jusqu’à ce jour sont beaucoup plus avantageux et plus simples, en ce qu’avec moins de signes ils expriment plus de choses. Je ne saurais, en conséquence, citoyen, accueillir la demande qui m’a été faite d’appeler le citoyen Alexandre à Paris et d’y faire transporter le modèle de sa machine.

Je vous salue,                                                                                            Chaptal. »

Cet inexplicable refus ne découragea pas l’inventeur. Il était trop pauvre pour se rendre à Paris ; mais il pouvait se rendre à Tours, et répéter devant les personnages importants de cette ville, l’expérience qu’il avait faite à Poitiers. Il se rendit donc à Tours, et le 10 prairial an X, le maire et les adjoints de la ville se rendirent dans la maison qu’Alexandre avait choisie pour son expérience.

L’un des cadrans était placé au rez-de-chaussée, l’autre au premier étage. Le général Pommereul, préfet du département, donna cette phrase : « Le génie ne connaît point de limites. » Elle fut parfaitement répétée par le cadran du premier étage. D’autres phrases furent également transmises et reproduites avec une parfaite exactitude.

Ces expériences publiques produisaient partout la meilleure impression, et répandaient la renommée de l’inventeur ; mais elles ne l’aidaient point à atteindre son but. Ce que voulait Alexandre, c’était le moyen de se rendre à Paris ; son ambition était d’arriver au premier Consul, son rêve, de faire devant lui l’expérience, et de lui confier son secret.

Ce rêve ne devait pas se réaliser.

Le manque d’argent était la grande difficulté qui l’arrêtait. Voyant qu’il n’obtiendrait rien, réduit à ses propres forces, il consentit à conclure un acte de société pour l’exploitation de sa découverte, avec un de ses anciens camarades de l’armée, le chef de bataillon Beauvais, qui résidait à Paris.

Aux termes d’un acte qui fut signé le 12 messidor an X, Beauvais se chargeait de faire les démarches auprès des autorités, et de fournir les premiers fonds, dans le cas où l’on ne pourrait les obtenir du premier Consul. Jean Alexandre lui abandonnait, en compensation, le quart des bénéfices que devait produire l’entreprise. L’inventeur conservait son secret ; mais, après un bénéfice de 60 000 fr., il devait le communiquer à son associé.

Beauvais ne perdit pas de temps. Quinze jours après la signature de l’acte, il écrivait au premier Consul. Il demandait la faveur de lui présenter Alexandre, qui voulait faire devant lui seul l’expérience de son appareil, Il accompagnait sa demande de tous les rapports, procès-verbaux et pièces relatives à cette affaire.

Le premier Consul n’autorisa point l’inventeur à faire l’expérience devant lui. Il se borna à renvoyer l’examen de cette question à l’astronome Delambre, membre de l’Institut. Quelques semaines après, Delambre présentait au premier Consul le rapport suivant, qui est trop curieux pour que nous ne le citions pas textuellement :

« Rapport du citoyen Delambre sur le Télégraphe intime du citoyen Alexandre, offert au premier Consul par le citoyen Beauvais.

« Les pièces que le premier Consul m’a chargé d’examiner ne contenaient pas assez de détails pour motiver un jugement. Rien n’indiquait la demeure du citoyen Beauvais ; je suis pourtant parvenu à me procurer deux conversations avec lui, et ce qu’elles m’ont appris ne me permet encore de donner que des conjectures sur les avantages et les inconvénients du Télégraphe intime.

Le citoyen Beauvais sait le secret du citoyen Alexandre, mais il a promis de ne le communiquer à personne, si ce n’est au premier Consul. Cette circonstance pourrait me dispenser de tout rapport. Comment juger une machine qu’on n’a point vue et dont on ne connaît point l’agent ?

Tout ce que l’on sait, c’est que ce télégraphe est composé de deux boîtes pareilles, portant chacune un cadran à la circonférence duquel sont marquées les lettres de l’alphabet.

Au moyen d’une manivelle, on conduit l’aiguille