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CHAPITRE II

télégraphes électriques construits après la découverte de la pile de volta. — l’invention du sieur jean alexandre en 1802. — sœmmering construit un télégraphe électrique, par la décomposition de l’eau. — découverte de l’électro-magnétisme. — application de ces phénomènes au jeu des télégraphes. — télégraphes de schilling et d’alexander d’édimbourg. — premiers télégraphes électro-magnétiques construits en 1838 à munich, par m. steinheil, et à londres, par m. wheatstone.

Tous les essais entrepris avant les premières années de notre siècle, pour appliquer l’électricité au jeu des télégraphes ne s’écartaient guère des conditions d’une belle utopie philosophique. L’électricité statique est si difficile à manier, que l’on ne pouvait en espérer aucun avantage pour un service régulier et continu. La découverte de la pile faite en 1800, par Volta, vint changer subitement la face de cette question. On sait que la pile fournit une source constante d’électricité, électricité sans tension, c’est-à-dire qui n’a aucune tendance à abandonner ses conducteurs. Cet instrument offrait donc un moyen de faire agir le fluide électrique à travers un espace fort étendu, sans déperdition pendant le trajet.

La découverte de la pile devait donner nécessairement une vive impulsion aux recherches concernant la télégraphie électrique. À partir de ce moment, les essais dans cette direction deviennent nombreux, et donnent naissance à un certain nombre d’appareils qui ne sont pas sans valeur.

Avant d’arriver à ces nouveaux appareils, nous nous arrêterons quelques instants pour résoudre un problème historique, dont les données sont contenues dans un dossier trouvé en 1859, dans nos Archives impériales, par M. Gerspach, et publiées par lui dans les Annales télégraphiques[1]. C’est d’après les pièces découvertes par M. Gerspach, que nous allons raconter l’histoire de la curieuse invention qui fut faite sous le Consulat et qui, selon nous, ne pouvait être autre chose que la télégraphie électrique réalisée au moyen de la pile de Volta.

Il y avait à Poitiers, en 1790, un ouvrier doreur, nommé Jean Alexandre, que l’on disait fils naturel de Jean-Jacques Rousseau, et qui était cité dans la ville pour ses rares talents. La révolution ayant éclaté, Jean Alexandre se rendit à Paris. Il n’y trouva point d’occupation pour son métier de doreur sur métaux ; mais comme il était doué d’une voix magnifique, dont il avait déjà tiré parti à Poitiers, comme chantre de la cathédrale, il eut recours, pour vivre, à la même ressource, et chanta au lutrin de Saint-Sulpice. Lancé bientôt dans la carrière politique, il fut nommé président de la section du Luxembourg, et peu de temps après, représentant à la Convention nationale.

Sa modestie le porta à refuser cet honneur ; il accepta seulement d’être envoyé à Poitiers, sa ville de prédilection, comme commissaire général des guerres. Il passa de là à Lyon, comme ordonnateur de la division militaire, et il eut à organiser une armée de 80 000 hommes. Nommé ensuite agent supérieur près de l’armée de l’Ouest, il se transporta à Angers, où il avait 42 départements sous ses ordres. Il présida à une levée de 200 000 soldats.

Sous le Consulat, notre commissaire des guerres prit sa retraite, et revint à Poitiers. C’est là qu’il conçut et exécuta un appareil qui, d’après les détails qui vont suivre, ne pouvait être autre chose qu’un télégraphe électrique du genre de ceux que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de télégraphe à cadran.

Beaucoup d’habitants de Poitiers auxquels il avait communiqué le principe de son invention, en parlaient avec enthousiasme, et l’engagèrent à présenter sa découverte à l’État. Alexandre céda à leurs désirs. En 1802, il écrivit à Chaptal, ministre de l’intérieur, lui demandant les moyens de se rendre

  1. Mars avril, 1859, p. 188-199.