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quels donnent lieu le chloroforme et l’éther ; qu’il n’exerce aucune action irritante sur les organes respiratoires, et plonge le sujet dans un état complet d’insensibilité.

Annoncés par M. Snow, le 10 janvier 1857, à la Société royale de Londres, ces faits sont devenus en France l’objet d’un examen approfondi : M. Giraldès, à l’hôpital des Enfants trouvés à Paris ; M. Tourdes, à l’hôpital de Strasbourg, ont confirmé, par l’opération clinique, les faits avancés par M. Snow relativement à l’efficacité de l’amylène. Enfin, le 14 mars 1857, l’Académie de médecine de Paris a entendu la lecture d’un rapport de Robert, concluant dans le même sens.

Cependant, il ne faudrait pas croire que l’innocuité de l’amylène soit complète, et que cet agent nouveau n’expose point les malades à quelques dangers. Il suffit de dire, pour établir le fait contraire, que deux cas de mort sont arrivés pendant l’administration de cet anesthésique, et ces faits malheureux sont survenus entre les mains de M. Snow lui-même, l’auteur de la découverte des propriétés de l’amylène. Au mois d’août 1857, dans un rapport à l’Académie de médecine, Jobert a insisté sur ce point, que l’amylène expose aux mêmes dangers que le chloroforme, et ne saurait, par conséquent, lui être préféré dans aucun cas. Le rapport de Jobert a fait renoncer, en France, à l’usage de l’amylène.

En 1864, le docteur Georges fit des expériences comparatives avec une série de gaz connus comme anesthésiques. M. Georges accordait la préférence, pour l’emploi chirurgical, à l’éther bromhydrique, dont l’action est prompte, passagère et peu dangereuse. D’autres substances, telles que le bromoforme, les éthers acétique, nitreux, œnanthique, amyliodhydrique, lui donnèrent quelques bons effets.

Le kersolène, proposé en 1862 par le chirurgien américain Éphraïm Cutter, comme nouvel agent d’anesthésie, est dangereux, à cause de son inflammabilité, car c’est un produit tiré de l’huile de pétrole.

M. le docteur Ozanam a récemment préconisé l’usage de l’acide carbonique, comme agent d’anesthésie générale. M. Ozanam a fait aspirer ce gaz après l’avoir mélangé avec un quart de son volume d’air ordinaire. D’après ce chirurgien, l’acide carbonique ne paraît pas présenter les effets toxiques du chloroforme. Disons toutefois que cette innocuité a été vivement contestée par plusieurs autres expérimentateurs.

Enfin, le 9 avril 1866, un chirurgien américain, M. Bigelow, de Boston, a fait connaître à la Société médicale de cette ville, un nouvel anesthésique local : c’est le rhigolène, un des produits de la distillation du pétrole, et qui jouit d’une volatilité considérable, car il bout à + 38° c. Ce carbure d’hydrogène est le plus léger des liquides connus ; sa pesanteur spécifique est de 0,62. Sa volatilité est telle, qu’appliqué sur la peau, il la congèle en dix ou douze secondes.

Les inconvénients qui peuvent se rattacher à l’emploi des agents anesthésiques actuellement connus, ne prouvent rien cependant contre l’utilité de la méthode elle-même. L’anesthésie a amené dans la chirurgie un progrès éclatant, puisqu’elle a diminué, dans une proportion notable, les chances de mort à la suite des grandes opérations : appliquée avec discernement et par des mains prudentes, elle jouit de toute l’innocuité que l’on réclame des procédés de l’ordre thérapeutique. On ne peut exiger de la contingence des faits vitaux, autre chose que la probabilité numérique ; or, cette probabilité est portée ici à un degré tellement avancé, qu’elle assure toute sécurité à la confiance du malade et toute liberté à la conscience du chirurgien. Au mois de mars 1850, c’est-à-dire un peu plus de trois ans après l’introduction des anesthésiques dans la pratique chirurgicale, Roux estimait à cent mille le nombre d’individus soumis, en Amérique et en Europe, à