Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/639

Cette page a été validée par deux contributeurs.

En 1829, une opération grave fut pratiquée à Paris pendant le sommeil magnétique sans que le malade en eût conscience. À quelque point de vue qu’on l’envisage, l’observation de M. Jules Cloquet est remplie d’intérêt, et l’on nous permettra de la rapporter.

Un médecin qui s’occupait beaucoup de magnétisme, M. Chapelain, soumettait depuis longtemps à un traitement magnétique, une vieille dame atteinte d’un cancer au sein. N’obtenant rien autre chose qu’un sommeil très-profond, pendant lequel la sensibilité paraissait abolie, il proposa à M. Jules Cloquet de l’opérer pendant qu’elle serait plongée dans le sommeil magnétique. Ce dernier, qui avait jugé l’opération indispensable, voulut bien y consentir, et l’opération fut fixée au 12 avril. La veille et l’avant-veille, la malade fut magnétisée plusieurs fois par M. Chapelain, qui la disposait, lorsqu’elle était en somnambulisme, à supporter sans crainte l’opération, et qui l’amena même à en causer avec sécurité, tandis qu’à son réveil elle en repoussait l’idée avec horreur. Le jour fixé pour l’opération, M. Cloquet trouva la malade assise dans un fauteuil, dans l’attitude d’une personne paisiblement livrée au sommeil naturel : M. Chapelain l’avait mise dans le sommeil magnétique ; elle parlait avec beaucoup de calme de l’opération qu’elle allait subir. Tout étant disposé pour l’opérer, elle se déshabilla et s’assit sur une chaise. M. Cloquet pratiqua alors l’opération, qui dura dix à douze minutes. Pendant tout ce temps, la malade s’entretint tranquillement avec l’opérateur et ne donna pas le plus léger signe de sensibilité : aucun mouvement dans les membres ni dans les traits, aucun changement dans la respiration ni dans la voix, aucune variation dans le pouls ; elle conserva invariablement l’abandon et l’impassibilité automatique où elle se trouvait quelques minutes avant l’opération. Le pansement terminé, l’opérée fut portée dans son lit, où elle resta deux jours entiers sans sortir du sommeil somnambulique. Alors le premier appareil fut levé, la plaie fut nettoyée et pansée, sans que l’on remarquât chez la malade aucun signe de sensibilité ni de douleur ; le magnétiseur l’éveilla après ce pansement, et elle déclara alors n’avoir eu aucune idée, aucun sentiment de ce qui s’était passé.

L’annonce de ce fait singulier amena la publication de quelques observations du même genre, qui furent accueillies par le public médical avec des sentiments très-divers. Celui de ces faits qui paraît le plus authentique s’est passé en 1842, dans un hôpital d’Angleterre. Voici le résumé de cette observation, qui est devenue le sujet d’une discussion à la Société royale de médecine et de chirurgie de Londres.

James Wombel, homme de peine, âgé de quarante-deux ans, souffrait depuis cinq ans d’une affection du genou pour laquelle il entra à l’hôpital de Wellow, le 21 juin 1842. Cette affection, très-avancée, n’était curable que par l’amputation. Un magnétiseur, M. Topham, s’était assuré que le sommeil somnambulique amenait chez cet individu, un état manifeste d’insensibilité locale ; il fut donc décidé que l’on essayerait de pratiquer l’opération pendant le sommeil magnétique. Elle fut exécutée par M. Ward. Après avoir convenablement placé le malade, M. Topham le magnétisa et indiqua au chirurgien le moment où il pouvait commencer. Le premier temps de l’amputation se fit sans que l’opéré donnât le moindre signe de sensibilité ; après la seconde incision, il fit entendre quelques faibles murmures. Au reste, son aspect extérieur n’était nullement changé, et jusqu’à la fin de l’opération, qui exigea vingt minutes, il demeura aussi immobile qu’une statue. Interrogé après l’opération, il déclara n’avoir rien senti.

Plus récemment, M. le docteur Loysel, de Cherbourg, a annoncé dans les journaux de cette ville, qu’il a pratiqué plusieurs opérations sous l’influence du sommeil magnéti-