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L’idée était aussi élégante que hardie : c’était le paratonnerre transporté dans les cieux. Ajoutons que c’était en même temps un paragrêle, si la théorie de l’origine électrique de la grêle est l’expression de la vérité.

Arago ne croyait pas que de tels appareils fussent impuissants à empêcher la grêle, et il s’en est exprimé nettement devant l’Académie.

Dupuis-Delcourt avait, en effet, adressé plusieurs communications à l’Académie des sciences, sur son électro-substracteur[1]. Il faut ajouter, pourtant, que cet instrument n’a jamais été mis en pratique par l’inventeur, ni par aucun autre physicien.

Nous avons dit que l’électro-substracteur proposé par Dupuis-Delcourt, devait être fait d’une matière imperméable au gaz hydrogène. Mais cette condition n’était guère exécutable, toutes les étoffes connues laissant passer le gaz hydrogène à travers leurs pores. Pour que cet appareil pût conserver sans aucune déperdition, le gaz hydrogène, il aurait fallu prendre un métal, comme enveloppe du gaz. Pouvait-on trouver un métal assez léger, et le réduire en lames assez minces, pour qu’il pût servir d’enveloppe à l’hydrogène, et s’élever dans l’air par la force ascensionnelle du gaz ? Dupuis-Delcourt se flatta de cet espoir.

Si l’aluminium eût été connu à cette époque, ce métal extraordinaire aurait fourni, par sa prodigieuse légèreté, jointe à sa ténacité, le phénix métallique cherché par notre aéronaute. Mais l’aluminium n’existait encore que dans les limbes de l’avenir scientifique et industriel. Il fallut se contenter du cuivre.

Dupuis-Delcourt calcula les dimensions qu’il fallait donner à une enveloppe de cuivre rouge, pour qu’elle conservât une certaine puissance ascensionnelle, une fois remplie de gaz hydrogène pur. Il se procura des lames de cuivre suffisamment légères, et construisit ainsi un modèle de son électro-substracteur, qui s’élevait et se maintenait dans l’air, bien qu’il se composât d’une enveloppe de cuivre rouge.

L’appétit vient en mangeant. Dupuis-Delcourt se dit que rien ne l’empêchait de passer de son électro-substracteur de faible dimension, à un globe d’un plus fort volume, et que, puisqu’il avait réussi à élever dans l’air une enveloppe de cuivre d’une centaine de livres, il ne lui serait pas impossible, en allant du petit au grand, d’appliquer le même principe à la construction d’un véritable aérostat de 2 000 mètres cubes.

Une des grandes difficultés de la navigation aérienne, c’est de conserver longtemps le gaz hydrogène à l’intérieur de l’aérostat. Il était donc évident que si l’on réussissait à fabriquer en cuivre l’enveloppe d’un ballon, on pouvait espérer résoudre ainsi le problème de la navigation aérienne.

Dupuis-Delcourt se mit donc à l’œuvre. Ce n’était pas une pensée sans courage, pour un homme dont les ressources étaient plus que bornées, que de se lancer dans les tâtonnements et les dépenses d’une œuvre aussi nouvelle. Cependant notre aéronaute en vint à bout. Toute l’année 1843 fut consacrée par lui, à faire fabriquer, ajuster et souder, un ballon tout en cuivre rouge, dans un atelier situé impasse du Maine.

Nous avons vu, de nos yeux, en 1844, cette curieuse machine ; nous avons admiré ses imposants contours. De forme sphérique, et complètement en cuivre, elle avait 10 mètres de diamètre, et offrait le beau spectacle d’une surface métallique de 350 mètres carrés. Les soudures nécessaires à la réunion des pièces de cuivre, n’avaient pas moins d’un kilomètre et demi de long.

Mais Dupuis-Delcourt avait trop présumé de ses ressources. Une épreuve faite pour

  1. Voir les Comptes rendus de l’Académie des sciences du 25 mars et du 27 juin 1844, et l’année 1846 du même recueil.