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donnerait une lumière d’une intensité convenable, mais il serait impossible de le distribuer à tous les postes télégraphiques. L’huile ne soutient pas la flamme dans les mouvements de l’appareil : la lumière vacille alors et disparaît par intervalles. Comme nous l’avons dit plus haut, le gaz détonant, c’est-à-dire le mélange explosif des gaz hydrogène et oxygène, fut essayé à l’époque où Napoléon armait le camp de Boulogne et préparait sa descente en Angleterre ; mais les expériences n’eurent pas de suite, en raison de l’abandon du projet d’expédition.

Plus tard le docteur Jules Guyot montra que l’hydrogène liquide, mélange combustible particulier, brûlé dans des lampes de son invention, aurait suffi à toutes les exigences de la télégraphie nocturne. Cependant la pose de ces lampes aurait été, par les mauvais temps, très-difficile ou même impossible, et le projet de M. Guyot fut abandonné.

Le problème de la télégraphie nocturne est loin cependant d’être insoluble. Il a été résolu en Russie, puisque la ligne télégraphique de Varsovie à Cronstadt, établie par M. Chatau, dont nous aurons à parler plus loin, fonctionne de nuit aussi bien que de jour[1].

Toutefois, il faut le dire, les essais de télégraphie nocturne auraient été poursuivis avec plus de persévérance par les inventeurs, accueillis avec plus de faveur par le gouvernement et les chambres, si des circonstances nouvelles n’étaient venues apporter dans la question un élément d’une irrésistible influence. Pendant que la télégraphie aérienne cherchait péniblement à accomplir de nouveaux progrès, la télégraphie électrique avançait à pas de géant dans la carrière. À partir de ce moment l’intérêt se détourna des progrès et des perfectionnements de la télégraphie aérienne, de plus en plus menacée par sa puissante rivale.



CHAPITRE XII

la télégraphie aérienne en suède, en angleterre, en italie, en espagne et en russie.

L’adoption du télégraphe de Chappe par le gouvernement français, avait produit en Europe une sensation très-vive ; tous les peuples étrangers s’empressèrent de l’essayer ou de l’imiter. Notre système télégraphique fut établi avec le plus grand succès en Italie et en Espagne.

Dans les pays septentrionaux, les brumes particulières à ces climats, rendent difficilement visibles les signaux allongés. On préféra se servir de volets mobiles, dont les combinaisons sont assez variées pour offrir une multitude de signaux. On a vu d’ailleurs (page 23) que Chappe avait, pendant quelque temps, employé cette disposition. En Angleterre et en

  1. Dans une brochure publiée en 1842, sous le titre de Télégraphe de jour et de nuit et sur laquelle nous reviendrons bientôt, M. Chatau donne les détails suivants sur la disposition qu’il a adoptée en Russie pour éclairer le télégraphe pendant la nuit.

    « Mes lanternes et mes feux ne laissent rien à désirer. L’huile est le seul combustible employé. Les réservoirs sont à l’abri des froids les plus intenses. Les lampes sont à niveau constant, à mèche plate. Le foyer lumineux ne craint ni la pluie, ni le vent le plus violent, ni les mouvements les plus rapides du télégraphe. Ce foyer se maintient à un degré d’éclat suffisant durant vingt heures, sans demander aucun soin, pourvu qu’on emploie de l’huile bien épurée et de bonnes mèches. Bien que la largeur des mèches ne soit que de 12 millimètres, tous les signaux sont distingués à la distance de 30 kilomètres ; ainsi on obtient une très-bonne transmission à 12 kilomètres, la plus grande distance qui doive exister sur une ligne télégraphique.

    « Si une lanterne s’éteint, le stationnaire le sait à l’instant, et cette lanterne est bientôt rallumée ; mais un pareil accident est extrêmement rare avec mon télégraphe, et je doute qu’il arrive trois fois par an sur une ligne de cent cinquante postes. Les lanternes portent un signe qui indique le côté de Varsovie ; chacune d’elles a, excepté aux postes extrêmes, deux réverbères, deux réservoirs et deux foyers… Si un verre se casse (ce qui arrive très-rarement), il faut quinze secondes pour enlever la porte dont le verre est cassé, et quinze secondes pour mettre une nouvelle porte qui est toujours prête ; mais les verres sont à l’abri de tout accident, une fois que mes lanternes sont posées au télégraphe. Quelle que soit la rapidité des mouvements du télégraphe, aucune lanterne ne peut s’ouvrir, ni se détacher, ni donner contre un poteau. »