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C’est donc un moteur d’une grande puissance qu’il faudrait substituer, dans le cas qui nous occupe, à la force humaine. Existe-t-il un moteur capable de remplir cet objet ? Les machines à vapeur, qui produisent un résultat mécanique si puissant, ne pourraient qu’à travers bien des difficultés, s’installer sous un aérostat. Le poids de la machine à vapeur, celui du combustible, et surtout les dangers qu’occasionne l’existence d’un foyer dans le voisinage d’un gaz inflammable comme l’hydrogène, sont autant de conditions qui sembleraient interdire l’emploi de la vapeur, comme force motrice, dans les appareils destinés à traverser les airs. Cependant, la belle expérience exécutée, en 1852, par M. Henry Giffard, et sur laquelle nous aurons bientôt à revenir, prouve que l’on peut parvenir à installer sans danger, au-dessous d’un ballon à gaz hydrogène, une chaudière à vapeur et un foyer plein de combustible en ignition.

Quant aux autres moteurs d’une puissance plus faible que celle de la vapeur, c’est-à-dire les ressorts, l’air comprimé, le moteur électrique, etc., un vent d’une force médiocre paralyserait toute leur action. La vapeur seule a la puissance suffisante pour lutter contre l’effet d’un vent modéré.

Le problème qui nous occupe présente une seconde difficulté : c’est de connaître à chaque instant, et dans toutes les circonstances, la véritable direction de la marche du ballon. L’aiguille aimantée, qui sert de guide dans la navigation maritime, ne peut s’appliquer à la navigation aérienne. En effet, le pilote d’un navire ne se borne pas à consulter, sur la boussole, la direction de l’aimant. Il a soin de comparer cette direction avec la ligne qui représente la marche du vaisseau ; il consulte le sillage laissé sur les flots par le passage du navire, et c’est l’angle que font entre elles les deux lignes du sillage et de l’aiguille aimantée, qui sert à reconnaître et à fixer sa marche. Mais l’aéronaute, flottant dans les airs, ne laisse derrière lui aucune trace analogue au sillage des vaisseaux. Placé au-dessus d’un nuage, le navigateur aérien ne peut plus reconnaître la route de la machine aveugle qui l’emporte ; perdu dans l’immensité de l’espace, il n’a aucun moyen de s’orienter. Cette difficulté, à laquelle on songe peu d’ordinaire, est cependant un des obstacles les plus sérieux qu’aurait à surmonter la navigation aérienne ; elle obligerait les aéronautes, même en les supposant munis des appareils moteurs les plus parfaits, à se maintenir près de la terre, pour reconnaître le sens de la route parcourue.

On peut conclure de ce qui précède, que la machine à vapeur est le seul moteur qui puisse nous faire espérer la solution du problème des aérostats, sans avoir, bien entendu, la prétention de lutter contre le vent, même modéré, mais en profitant des instants de calme qui se produisent dans l’air.

Il est donc peut-être réservé à notre siècle de voir s’accomplir la magnifique découverte de la navigation atmosphérique. Mais, dans tous les cas, ce n’est point dans les stériles efforts des aéronautes empiriques, que l’on trouvera jamais les moyens de la réaliser. C’est la mécanique seule, c’est cette science, tant décriée à cette occasion par d’ignorants rêveurs, qui nous permettra d’accomplir cette découverte admirable qui doit doter l’humanité de facultés nouvelles et ouvrir à son ambition et à ses légitimes désirs une carrière toute nouvelle.

Il semblerait superflu, après la discussion à laquelle nous venons de nous livrer, de passer en revue les essais faits à différentes époques, pour parvenir à diriger les aérostats. Il ne sera pas inutile, pourtant, de mentionner ces tentatives. Le secours qu’elles ont apporté à l’avancement de la question est des plus minimes, mais il est bon de les signaler, ne fût-ce que pour montrer que les conceptions les plus raisonnables et les mieux fondées en apparence, soumises à la sanction