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ramenant en arrière, les conduisit, en quelques minutes, au-dessus de Douvres. Toujours poussés par le vent, ils s’engagèrent, par-dessus la mer, dans la direction du Pas-de-Calais.

Il était près de 5 heures de l’après-midi, lorsque les voyageurs aperçurent la première ligne des vagues se brisant sur la plage ; et le spectacle qui apparut à leurs yeux était vraiment sans égal. Derrière eux, se dressait la côte d’Angleterre, avec ses falaises blanches, à demi perdues dans les brumes lointaines, et reconnaissables seulement à l’éclat du phare de Douvres. À leurs pieds, l’Océan, dans toute sa sombre majesté, s’étendait jusqu’à l’horizon, déjà enveloppé dans les ombres du crépuscule.

La nuit arriva bientôt. Devant eux apparaissait une barrière de nuages, qui prenaient, dans l’obscurité naissante, toutes sortes d’aspects fantastiques : de bizarres parapets, des tours d’une hauteur interminable, des bastions, des murs crénelés, semblaient défendre la route des airs. Bientôt l’obscurité augmentant de plus en plus, ils flottèrent au sein de nuages épais, entourés de toutes parts, de brouillards, dont l’humide vapeur se condensait sur l’enveloppe de l’aérostat. Aucun bruit ne se faisait entendre, pas même celui des vagues.

Au bout d’une heure, le détroit était franchi. Déjà le phare de Calais était visible, et le bruit éloigné des tambours, battant aux environs de la ville, montait jusqu’à nos voyageurs. La nuit était si obscure que l’on ne pouvait obtenir quelque connaissance des pays que l’on traversait, que par le nombre de lumières apparaissant sur la terre, tantôt isolées, tantôt réunies. On ne distinguait les villes des villages, qu’aux masses de lumières agglomérées ou séparées. L’incertitude sur le lieu où ils se trouvaient, augmentait à mesure que la nuit épaississait les ténèbres autour de nos voyageurs. Le ballon faisait plus de dix lieues à l’heure.

C’est ainsi que Green et ses compagnons, parcoururent une partie du continent du nord de l’Europe. Vers minuit, ils se trouvaient en Belgique, au-dessus de Liége.

Remplie d’usines et de hauts fourneaux, située au milieu d’un canton très-peuplé, cette ville se montrait éblouissante de lumière. On distinguait sans peine les rues, les places et les grands édifices, éclairés par le gaz. Mais, à minuit, toute lumière s’éteint sur la terre ; bientôt tout rentra dans l’ombre, et nos voyageurs n’aperçurent plus rien.

Ils continuèrent, poussés par le vent, leur course aérienne à travers les ténèbres. La lune n’apparaissait pas, et les espaces célestes étaient aussi noirs que les régions inférieures. Les étoiles seules brillaient sur la voûte du ciel, comme le seul phare naturel de nos navigateurs errants. En avançant dans ce gouffre mystérieux, il leur semblait pénétrer dans une masse de marbre noir, qui s’ouvrait, s’amollissait, et cédait à leur approche.

Dans un aérostat, rien, pas même le plus léger balancement, ne trahit le mouvement ; l’immobilité semble parfaite. Joignez à cela l’effet de l’obscurité et du silence, un froid de glace, car il gelait à 10 degrés, l’ignorance absolue du lieu où l’on se trouvait, la crainte d’aller se briser contre quelque obstacle, comme une montagne ou le clocher d’une église, et vous comprendrez les préoccupations d’un voyage si aventureux.

Depuis plus de trois heures, les aéronautes se trouvaient dans cet état, flottant à une hauteur de 4 000 mètres, lorsque, tout à coup, une explosion se fait entendre ; la nacelle éprouve une forte secousse, la soie du ballon s’agite, et paraît tressaillir. Une seconde, une troisième explosion, se succèdent, accompagnées chaque fois, d’un ébranlement de la nacelle, qui menace de les précipiter tous dans l’abîme. D’où provenait cet étrange mouvement ? À la hauteur de 4 000 mètres à laquelle le ballon était porté, le gaz hydrogène de l’aérostat, placé dans un milieu excessivement