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chèrent terre, sans éprouver la moindre secousse.

« D’après cette expérience, dit Lenormand, je calculai la grandeur du parasol capable de garantir d’une chute, et je trouvai qu’un diamètre de quatorze pieds suffisait, en supposant que l’homme et le parachute n’excèdent pas le poids de deux cents livres ; et qu’avec ce parachute, un homme peut se laisser tomber de la hauteur des nuages sans risquer de se faire de mal[1]. »

Ce fut pendant la tenue des états du Languedoc, c’est-à-dire vers la fin de décembre 1783, que Lenormand fit cette expérience. Il se laissa aller du haut de la tour de l’Observatoire de Montpellier, armé de son parachute, (fig. 297). Montgolfier qui était alors à Montpellier fut témoin de cette expérience saisissante et il approuva beaucoup le nom de parachute que Lenormand donna à cet appareil.

Peu de temps après, Blanchard, dans ses ascensions publiques, répétait sous les yeux des Parisiens, et comme objet de divertissement, l’expérience que Lenormand avait exécutée à Montpellier. Il attachait à un vaste parasol, divers animaux, qu’il lançait du haut de son ballon, et qui arrivaient à terre sans le moindre mal. Mais, bien que ces expériences eussent toujours réussi, Blanchard n’eut jamais la pensée de rechercher si le parachute développé et agrandi, pourrait devenir pour l’aéronaute un moyen de sauvetage.

Cette pensée audacieuse s’offrit à l’esprit de deux prisonniers.

Jacques Garnerin, qui devint plus tard l’émule et le rival heureux de Blanchard, avait été témoin, à Paris, des expériences que ce dernier exécutait avec différents animaux qu’il faisait descendre en parachute, du haut de son ballon. Envoyé en 1793 à l’armée du Nord, comme commissaire de la Convention nationale, Garnerin fut fait prisonnier, dans un combat d’avant-postes à Marchiennes. Pendant la longue captivité qu’il subit, en Hongrie, dans les prisons de Bude, l’expérience de Lenormand lui revint en mémoire, et il résolut de la mettre à profit pour recouvrer sa liberté. Mais il ne put réussir à cacher les préparatifs de sa fuite ; on s’empara des pièces qu’il commençait à disposer, et il dut renoncer à mettre son projet à exécution.

Un autre prisonnier poussa plus loin la tentative. Ce fut Drouet, le maître de poste de Sainte-Menehould, qui avait arrêté Louis XVI, pendant sa fuite à Varennes.

Drouet avait été nommé, par le département de la Marne, membre de la Convention. En 1793, il fut envoyé, comme commissaire, à l’armée du Nord ; et il se trouvait à Maubeuge, lors du blocus de cette ville par les Autrichiens. Craignant de tomber au pouvoir des assiégeants, il se décida à revenir à Paris, et partit pendant la nuit, avec une escorte de dragons. Mais son cheval s’étant abattu, il fut pris par les Autrichiens, qui l’emmenèrent prisonnier à Bruxelles, puis à Luxembourg. Lorsque les alliés abandonnèrent les Pays-Bas, en 1794, ils transportèrent Drouet à la forteresse de Spielberg, en Moravie.

C’est là, qu’inspiré par le souvenir des petits parachutes qu’il avait vu jeter par Blanchard au Champ-de-Mars, pour lancer des animaux du haut de son ballon, il essaya de s’échapper, à l’aide d’un moyen semblable. Il fabriqua avec les rideaux de son lit, une sorte de vaste parasol, et réussit à cacher son travail aux soldats qui le gardaient. La nuit étant venue, il se laissa aller du haut de la citadelle. Mais il se cassa le pied en tombant, et fut ramené dans sa prison, d’où il ne sortit qu’un an après, pour être échangé, avec quelques autres représentants du peuple, contre la fille de Louis XVI.

Nous consignerons ici, en passant, un événement du même ordre, bien qu’il se rapporte à une époque antérieure, car il se passa sous Louis XIII.

  1. Annales de physique et de chimie, tome XXXVI, page 97.