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Ainsi, dans un espace vide, tous les corps tombent avec la même vitesse ; quand la force de la pesanteur n’est combattue par aucune résistance qui puisse contrarier ses effets, elle s’exerce avec la même énergie sur tous les corps, quels que soient leur forme et leur poids. Dans le vide, un boulet ne tomberait pas plus vite qu’une plume, une montagne, qu’une pierre.

Les choses se passent autrement dans l’atmosphère. La cause de cette différence est due à l’air, qui oppose à la chute des corps, une résistance dont tout le monde connaît les effets. Les corps ne peuvent tomber, sans déplacer de l’air, et par conséquent sans perdre de leur mouvement, en le partageant avec lui. Aussi, la résistance de l’air croît-elle avec la vitesse, et l’on exprime cette loi en physique, en disant que la résistance de l’air croît comme le carré de la vitesse du mobile : c’est-à-dire que, pour une vitesse double, la résistance de l’air est quatre fois plus forte ; pour une vitesse triple, neuf fois plus considérable, etc. Il résulte de là que si une masse pesante vient à tomber d’une grande hauteur, la résistance de l’air devient suffisante, pour rendre uniforme le mouvement accéléré, qui est, comme on le sait, particulier à la chute des corps graves.

La résistance de l’air croît aussi avec la surface du corps qui tombe. Si cette surface est très-grande, le mouvement uniforme s’établissant plus près de l’origine du mouvement, la vitesse constante de la chute en est considérablement retardée. Ainsi, en donnant à la surface d’un corps tombant au milieu de l’air, un développement suffisant, on peut ralentir à son gré la rapidité de sa chute. Selon la plupart des physiciens, un développement de surface de cinq mètres suffit pour rendre très-lente la descente d’un poids de cent kilogrammes.

C’est sur ces deux principes qu’est fondée la construction de l’appareil connu sous le nom de parachute. Pour donner plus de sécurité aux ascensions, on a eu l’idée de suspendre au-dessous des aérostats, un de ces instruments, destinés à devenir, dans les cas périlleux, un moyen de sauvetage. Si, par un événement quelconque, le ballon n’offre plus les garanties suffisantes de sécurité, l’aéronaute, se plaçant dans la petite nacelle du parachute, coupe la corde qui le retient. Débarrassé de ce poids, l’aérostat s’élance dans les régions supérieures, le parachute se développe, et ramène à terre la nacelle, par une chute douce et modérée.

C’est en 1783, avons-nous dit, que Lenormand fit sa première expérience.

Lenormand avait lu, dans quelques relations de voyage, que, dans certains pays, des esclaves, pour amuser leur roi, se laissent tomber, d’une assez grande hauteur, munis d’un parasol, sans se faire de mal, parce qu’ils sont retenus par la couche d’air comprimée par le parasol. Il lui vint à l’esprit de répéter lui-même cette expérience, et le 26 novembre 1783, il se laissa aller de la hauteur d’un premier étage, tenant de chaque main un parasol de trente pouces. Les extrémités des baleines de ces parasols étaient rattachées au manche, par des ficelles, afin que la colonne d’air ne les fît pas rebrousser en arrière. La chute lui parut insensible.

En faisant cette expérience, Lenormand fut aperçu par un curieux, qui en rendit compte à l’abbé Bertholon, alors professeur de physique à Montpellier. Ce dernier ayant demandé à Lenormand quelques explications à ce sujet, Lenormand lui offrit de répéter devant lui l’expérience, en faisant tomber de cette manière différents animaux, du haut de la tour de l’Observatoire de Montpellier.

Ils firent ensemble ce nouvel essai. Lenormand disposa un parasol de trente pouces, comme il l’avait fait la première fois, et il attacha au bout du manche divers animaux dont la grosseur et le poids étaient proportionnés au diamètre du parasol. Les animaux tou-