Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et ne les réunissant qu’au moment de la combustion, atténue beaucoup les dangers de cet appareil. D’ailleurs, la descente en Angleterre n’ayant pas eu lieu, il ne fut point donné suite à ces expériences.

Sous l’Empire, l’administration des lignes télégraphiques était réduite à un faible personnel. Il n’y avait, dans chaque division, qu’un directeur, aux appointements de 4 000 francs, un inspecteur, avec un traitement de 2 000 francs, et un petit nombre de stationnaires payés 1 franc ou 1 franc 25 centimes par jour. À Paris se trouvaient les deux administrateurs, Ignace et René Chappe, aux appointements de 8 000 francs, secondés par une dizaine d’employés seulement[1]. Les frais d’entretien et d’administration, qui varièrent de 150 000 à 300 000 francs, n’étaient pas entièrement fournis par l’État : la loterie en payait sa bonne part ; elle versait, comme nous l’avons dit, 100 000 francs par an dans les caisses de la télégraphie.

La télégraphie ne servait guère, en effet, sous l’Empire, pendant la paix, ou quand la guerre était portée dans les pays très-éloignés, qu’à expédier aux préfets de chaque chef-lieu, les ordres du ministre de l’intérieur, et à transmettre, chaque semaine, les numéros gagnants de la loterie. L’empereur s’en préoccupait très-peu pour l’usage de ses opérations militaires ; et s’il avait conservé Abraham Chappe dans son état-major, ce n’était qu’en prévision de quelque cas extraordinaire.

Ce cas extraordinaire se présenta, hélas ! Après la retraite de Russie, l’ennemi nous menaçait de toutes parts. Comme en 1793, nos armées devaient suppléer au nombre par la rapidité des marches et l’habileté de la stratégie. Le moment était donc arrivé d’invoquer le secours de la télégraphie. Au mois de mars 1813, l’empereur ordonna de prolonger, d’urgence, la ligne de l’Est jusqu’à Mayence, par un embranchement partant de Metz.

Napoléon déploya, pour pousser l’exécution de cette ligne, toute l’impatiente ardeur qu’il mettait à l’exécution d’un projet une fois bien arrêté dans son esprit. Il ne cessait de presser le ministre de l’intérieur, se plaignant toujours que rien ne marchât assez vite, et montrant le plus grand mécontentement à chaque retard. On mettait tout en œuvre pour lui obéir ; mais on rencontrait précisément les mêmes obstacles contre lesquels la télégraphie avait eu à lutter sous la République. Pour avoir négligé trop longtemps les progrès de la télégraphie, Napoléon trouvait devant lui les mêmes difficultés dont on avait eu à triompher aux premiers temps de cette invention. Ce n’étaient pas cette fois les ouvriers qui manquaient, mais les entrepreneurs. Les fournisseurs, qui manquaient de confiance, voulaient être payés comptant, et les mandats n’étaient soldés qu’avec des retards.

Heureusement toute l’administration des télégraphes comprenait l’importance décisive de cette ligne, et chacun payait de sa personne :

« On vit alors, dit M. Gerspach, dans son excellente Histoire administrative de la télégraphie aérienne en France, que nous avons eu tant d’occasions de citer, des directeurs et des inspecteurs, animés d’une ardeur patriotique, avancer de l’argent sur leur propre bourse, et travailler aux constructions comme de simples manœuvres… L’administration déployait une activité inconnue jusqu’alors dans ses travaux : tous étaient à l’œuvre, et les machines, fabriquées à Paris, étaient expédiées en poste à leur destination[2]. »

La prompte exécution de cette ligne, longue de 225 kilomètres, fut, en effet, un prodige. On la construisit en deux mois et quelques jours, et elle coûta 105 000 francs. Le 29 mai 1813, les premiers signaux étaient échangés entre Mayence, Metz et Paris.

Son existence, toutefois, fut de courte durée. Bientôt, nos armées refoulées à l’intérieur, battaient en retraite ; et l’ennemi qui s’avan-

  1. É. Gerspach, Histoire de la télégraphie aérienne en France, p. 73.
  2. É. Gerspach, p. 74.