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donc connu comme physicien très-exercé. Guyton de Morveau n’eut pas de peine à faire agréer Coutelle par le Comité de salut public. Ce dernier fut chargé des premiers essais à faire pour la production de l’hydrogène en grand, au moyen de la décomposition de l’eau.

Coutelle fut installé aux Tuileries, dans la salle des Maréchaux ; on lui donna un aérostat de 9 mètres de diamètre, et l’on mit à sa disposition tous les produits et tous les matériaux nécessaires.

Voici comment il procéda à la préparation du gaz. Il établit un grand fourneau, dans lequel il plaça un tuyau de fonte de 1 mètre de longueur et de 4 décimètres de diamètre, qu’il remplit de 50 kilogrammes de rognures de tôle et de copeaux de fer. Ce tuyau était terminé, à chacune de ses extrémités, par un tube de fer. L’un de ces tubes servait à amener le courant de vapeur d’eau, qui se décomposait au contact du métal ; l’autre dirigeait dans le ballon, le gaz hydrogène résultant de cette décomposition.

Quand tout fut prêt, Coutelle fit venir, pour être témoins de l’opération, le professeur Charles et Jacques Conté, physiciens de ses amis. En raison de divers accidents, l’opération fut très-longue ; elle dura trois jours et trois nuits. Cependant elle réussit très-bien, en définitive, car on retira 170 mètres cubes de gaz. La commission fut satisfaite de ce résultat, et dès le lendemain, Coutelle reçut l’ordre de partir pour la Belgique, et d’aller soumettre au général Jourdan la proposition d’appliquer les aérostats aux opérations de son armée.

Le général Jourdan venait de prendre le commandement des deux armées de la Moselle et de la Sambre, fortes de cent mille hommes, et qui, sous le nom d’armée de Sambre-et-Meuse, envahissaient la Belgique. Coutelle partit, dans l’intention de rejoindre le général à Maubeuge, occupée en ce moment par nos troupes et bloquée par les Autrichiens.

Lorsqu’il arriva à Maubeuge, l’armée venait de quitter ses quartiers ; elle était à six lieues de là, au village de Beaumont. Coutelle repartit, fit six lieues à franc étrier, et arriva à Beaumont, couvert de boue. Il fut arrêté par les sentinelles des avant-postes, et amené devant le représentant Duquesnoy, commissaire de la Convention à l’armée du Nord.

Duquesnoy était l’ami et le rival de Joseph Lebon, et il exerçait à l’armée du Nord, cet étrange office des commissaires de la Convention, qui consistait à mener les soldats au feu, et à forcer les généraux de vaincre, sous la menace de la guillotine. Lorsque Coutelle lui fut amené, Duquesnoy était à table. Il ne comprit rien à l’ordre du Comité de salut public.

« Un ballon, dit-il, un ballon dans le camp… Qu’est-ce que cela signifie ? Vous m’avez tout l’air d’un suspect, et je vais commencer par vous faire fusiller. »

On réussit cependant à faire entendre raison au terrible commissaire, qui renvoya Coutelle au général Jourdan.

Celui-ci accueillit avec empressement l’idée de faire servir les aérostats aux reconnaissances extérieures. Mais l’ennemi était à une lieue de Beaumont ; d’un moment à l’autre il pouvait attaquer, et le temps ne permettait d’entreprendre aucun essai avec l’aérostat. Coutelle revint à Paris pour y transmettre l’assentiment du général.

Le Comité de salut public décida dès lors de continuer et d’étendre les expériences.

La République avait donc fondé l’institution, toute nouvelle, des aérostats militaires. Coutelle, nommé directeur des expériences aérostatiques, fut établi dans le jardin du petit château de Meudon (Maison nationale). Il s’adjoignit lui-même alors, le physicien Jacques Conté.

Jacques Conté était un des hommes les mieux doués par la nature, pour les travaux de la science et des arts, pour la théorie et pour la pratique usuelle. C’est de lui que Napoléon a dit : « Si les sciences et les arts venaient à se