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On publia une foule de caricatures contre les deux aéronautes ; on joua quatre ou cinq vaudevilles sur les mésaventures des amateurs de ballons. Mais la satisfaction du public fut à son comble lorsqu’un faiseur d’anagrammes eut découvert que dans le nom de l’abbé Miollan, il y avait les mots ballon abîmé[1].

Fig. 284. — Montgolfière de l’abbé Miollan et Janinet, construite en juillet 1785.

C’est vers cette époque que se répandit, à Paris, la mode des figures aérostatiques. Dans les jardins publics, on vit s’élever, à la grande joie des spectateurs, des aérostats offrant la figure de divers personnages, le Vendangeur aérostatique, une Nymphe, un Pégase, etc.

Blanchard parcourait tous les coins de la France, donnant le spectacle de ses innombrables ascensions. Après avoir épuisé la curiosité de son pays, il allait porter en Amérique ce genre de spectacle, encore inconnu des populations du Nouveau-Monde. Il s’éleva à Philadelphie, sous les yeux de Franklin.

Son rival Testu-Brissy marcha sur ses traces. Le ballon qu’il construisit (fig. 285) était muni de rames, en forme de roue de bateau.

Sa première ascension, faite à Paris en 1785, présenta une circonstance assez curieuse. Il était descendu avec son ballon dans la plaine de Montmorency. Un grand nombre de curieux qui étaient accourus, l’empêchèrent de repartir et saisirent le ballon par les cordes qui descendaient à terre. Le propriétaire du champ où l’aérostat était tombé arriva avec d’autres paysans ; il voulut lui faire payer le dégât, et l’on traîna son ballon par les cordes de sa nacelle.

« Ne pouvant leur résister de force, je résolus alors, dit Testu-Brissy, de leur échapper par adresse. Je leur proposai de me conduire partout où ils voudraient, en me remorquant, avec une corde. L’abandon que je fis de mes ailes brisées et devenues inutiles, persuada que je ne pouvais plus m’envoler ; vingt personnes se lièrent à cette corde en la passant autour de leur corps ; le ballon s’éleva d’une vingtaine de pieds, et je fus ainsi traîné vers le village. Ce fut alors que je pesai mon lest, et, après avoir reconnu que j’avais encore beaucoup de légèreté spécifique, je coupai la corde et je pris congé de mes villageois, dont les exclamations d’étonnement me divertirent beaucoup, lorsque la corde par laquelle ils croyaient me retenir leur tomba sur le nez. »

C’est le même Testu-Brissy qui exécuta plus tard, une ascension équestre. Il s’éleva monté sur un cheval qu’aucun lien ne retenait au plateau de la nacelle. Dans cette curieuse ascension, Testu-Brissy put se convaincre que le sang des grands animaux

  1. On avait fait déjà un emploi tout aussi juste de l’anagramme à propos de Pilâtre des Rosiers, dans le nom duquel on avait trouvé : Tu seras le p. roi de l’air.