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Il s’élança, au milieu des acclamations et des hourrahs de la multitude rassemblée sur la place, en agitant un drapeau qu’il tenait à la main, ayant pour tous compagnons de voyage, un pigeon, un chat et un chien. Il était muni d’une rame qui devait servir à le diriger, mais qui ne lui fut, comme on le devine, d’aucun secours. Il descendit au bout d’une heure et demie, et laissa à terre le chat à moitié mort de froid ; puis il remonta, pour aller descendre, une heure après, dans une prairie de la paroisse de Standon (comté d’Hertford). Il paraît qu’il eut à supporter, dans les hautes régions, un froid considérable[1].

Fig. 275. — Le capitaine Lunardi.

L’exemple donné à Londres, par un Italien, fut bientôt suivi, à Oxford, par un Anglais, M. Salder, devenu célèbre depuis, comme aéronaute. M. Sheldon, professeur d’anatomie, et membre distingué de la Société royale de Londres, fit de son côté une ascension, en compagnie de Blanchard. Il essaya, mais sans succès, de se diriger à l’aide d’un mécanisme moteur en forme d’hélice.

Enhardi par le succès de ses premiers voyages, Blanchard conçut alors un projet, dont l’audace, à cette époque où la science aérostatique en était encore aux tâtonnements, pouvait à bon droit être taxée de folie : il voulut franchir en ballon la distance qui sépare l’Angleterre de la France. Cette traversée miraculeuse, où l’aéronaute pouvait trouver mille fois la mort, ne réussit que par le plus grand des hasards, et par ce seul fait, que le vent resta pendant trois heures sans variations sensibles.

Blanchard accordait une confiance extrême à l’appareil de direction qu’il avait imaginé. Il voulut justifier par un trait éclatant, la vérité de ses assertions, et il annonça, par la voie des journaux anglais, qu’au premier vent favorable, il traverserait la Manche de Douvres à Calais. Le docteur Gefferies, ou Jefferies, comme l’écrit Cavallo, s’offrit pour l’accompagner.

Le 7 janvier 1785, le ciel était serein ; le vent, très-faible, soufflait du nord-nord-ouest. Blanchard, accompagné du docteur Jefferies, sortit du château de Douvres et se dirigea vers la côte. Le ballon fut rempli de gaz, et on le plaça à quelques pieds du bord d’un rocher escarpé, d’où l’on aperçoit le précipice décrit par Shakespeare dans le Roi Lear. À une heure, le ballon fut abandonné à lui-même ; mais, son poids se trouvant un peu fort, on fut obligé de jeter une partie du lest et de ne conserver que trente livres de sable. Le ballon s’éleva lentement, et s’avança vers la mer, poussé par un vent léger[2].

Les voyageurs eurent alors sous les yeux un spectacle que l’un d’eux a décrit avec enthousiasme. D’un côté, les belles campagnes qui s’étendent derrière la ville de Douvres présentaient une vue magnifique ; l’œil embrassait un horizon si étendu, que l’on pouvait

  1. Tibère Cavallo, Histoire et pratiques de l’aérostation traduit de l’anglais. Paris, in-8o, 1786, pages 124-126.
  2. C’est dans l’ouvrage de Tibère Cavallo, Histoire et pratiques de l’aérostation (ch. XV, pages 139-145), que se trouvent les renseignements les plus authentiques sur la traversée de la Manche par Blanchard et le docteur Jefferies.