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dant une heure, à travers les champs, les fossés et les routes !

L’accueil barbare et stupide qui avait été fait au premier aérostat par les paysans de Gonesse, fit assez de bruit pour que le gouvernement crût nécessaire de publier un Avis au peuple touchant le passage et la chute des machines aérostatiques. Dans les derniers mois de 1783, cette instruction fut répandue dans toute la France.

Voici le texte de cette pièce naïve, où l’on fait allusion à la naïve terreur des habitants de Gonesse, qui avaient pris l’aérostat pour la lune.

« Avertissement au peuple sur l’enlèvement des ballons ou globes en l’air. — On a fait une découverte dont le gouvernement a jugé convenable de donner connaissance, afin de prévenir les terreurs qu’elle pourrait occasionner parmi le peuple. En calculant la différence de pesanteur entre l’air appelé inflammable et l’air de notre atmosphère, on a trouvé qu’un ballon rempli de cet air inflammable devait s’élever de lui-même dans le ciel jusqu’au moment où les deux airs seraient en équilibre, ce qui ne peut être qu’à une très-grande hauteur. La première expérience a été faite à Annonay, en Vivarais, par les sieurs Montgolfier, inventeurs. Un globe de toile et de papier de cent cinq pieds de circonférence, rempli d’air inflammable, s’éleva de lui-même à une hauteur qu’on n’a pu calculer. La même expérience vient d’être renouvelée à Paris le 27 août, à cinq heures du soir, en présence d’un nombre infini de personnes. Un globe de taffetas enduit de gomme élastique, de trente pieds de tour, s’est élevé au Champ-de-Mars jusque dans les nues, où on l’a perdu de vue. On se propose de répéter cette expérience avec des globes beaucoup plus gros. Chacun de ceux qui découvriront dans le ciel de pareils globes, qui présentent l’aspect de la lune obscurcie, doit donc être prévenu que loin d’être un phénomène effrayant, ce n’est qu’une machine toujours composée de taffetas ou de toile légère recouverte de papier, qui ne peut causer aucun mal, et dont il est à présumer qu’on fera quelque jour des applications utiles aux besoins de la société.

« Lu et approuvé, ce 3 septembre 1783.
« De Sauvigny. »

CHAPITRE II


expérience faite à versailles le 19 septembre 1783, en présence de louis xvi.

Cependant Étienne Montgolfier était arrivé à Paris ; il avait assisté à l’ascension du Champ-de-Mars, et il prenait les dispositions nécessaires pour répéter, conformément au désir de l’Académie des sciences, l’expérience du ballon à feu telle qu’il l’avait exécutée à Annonay.

Il s’établit dans les immenses jardins de son ami Réveillon, ce fabricant du faubourg Saint-Antoine dont la ruine devait, quelques années après, marquer si tristement les premiers jours de la révolution française.

L’aérostat que fit construire Étienne Montgolfier avait des dimensions considérables ; sa forme était assez bizarre : la partie moyenne représentait un prisme haut de huit mètres, le sommet une pyramide de la même hauteur, la partie inférieure un cône tronqué de six mètres ; de telle sorte que la machine entière, de la base au sommet, comptait vingt-deux mètres de hauteur, sur quinze environ de diamètre. Elle était faite de toile d’emballage doublée d’un fort papier au dedans et au dehors, et pouvait enlever un poids de douze cent cinquante livres.

Le 11 septembre 1783, on fit le premier essai de cette belle machine. On la vit se dresser sur elle-même, se gonfler et prendre en dix minutes une belle forme. Huit hommes qui la retenaient perdirent terre et furent soulevés à plusieurs pieds. Elle serait montée à une grande hauteur si on ne lui eût opposé de nouvelles forces.

L’expérience fut répétée le lendemain, devant les commissaires de l’Académie des sciences, et en présence d’un nombre considérable de personnes. Les commissaires de l’Académie, Leroy, Lavoisier, Cadet, Brisson, l’abbé Bossut et Desmarets, étant arrivés, on se disposa à gonfler le ballon. Mais on vit avec