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CHAPITRE PREMIER

les frères montgolfier. — expérience d’annonay. — ascension du premier ballon à gaz hydrogène au champ de mars de paris.

Personne n’ignore que l’invention des aérostats, d’origine toute française, appartient aux frères Étienne et Joseph Montgolfier. Rien n’avait pu faire pressentir encore une découverte de ce genre, lorsque, le 4 juin 1783, ils firent à Annonay leur première expérience publique.

Étienne et Joseph Montgolfier étaient les fils d’un manufacturier connu depuis longtemps pour son habileté dans l’art de la fabrication du papier. La famille Montgolfier était originaire de la petite ville d’Ambert, en Auvergne ; on voyait encore, vers le milieu du siècle dernier, sur le penchant d’une colline qui domine la ville, les ruines d’une très-ancienne résidence de la famille Montgolfier, qui paraît avoir donné ou pris son nom au pays qu’elle habitait[1]. Les Montgolfier avaient embrassé avec ardeur la cause de la réforme. Après les massacres de la Saint-Barthélemy en 1572, leurs biens furent confisqués, leurs papeteries détruites, et ils vinrent se réfugier, avec les débris de leur fortune, dans les montagnes du Vivarais. Les établissements nouveaux qu’ils fondèrent plus tard à Annonay, ne tardèrent pas à acquérir beaucoup d’importance, et dès le commencement du dix-huitième siècle, la manufacture de Pierre Montgolfier était connue dans toute l’Europe pour la perfection de ses produits.

C’est au milieu de cette famille, vouée depuis des siècles à la pratique de l’industrie et des arts, sous les yeux d’un père distingué par ses talents, ses lumières et sa probité, vivant en patriarche entre ses ouvriers et ses enfants, que naquirent les inventeurs de la machine aérostatique. Destinés à se livrer par état aux opérations industrielles, ils s’y préparèrent de bonne heure par l’étude des sciences, dont plus tard ils ne perdirent jamais le goût.

Fig. 255. — Étienne Montgolfier.

Étienne Montgolfier joignit à cette éducation commune une instruction spéciale qu’il alla de bonne heure chercher à Paris. Il se destinait à l’architecture, et devint élève de Soufflot. On voit encore, dans les environs de Paris, des églises et des maisons bâties d’après ses plans, qui témoignent de ses talents et de son goût. Il avait, en outre, pour les mathématiques des dispositions précoces qui lui valaient l’estime des savants les plus distingués. Son père le rappela, pour prendre part à la direction de la manufacture héréditaire. De retour à Annonay, Étienne Montgolfier apporta à sa famille l’utile secours de ses connaissances[2]. Il découvrit divers procédés de fabrication, que les Hollandais, longtemps nos rivaux en ce genre,

  1. On trouve en effet dans la grande carte de France de Cassini, feuille 52, au nord-est d’Ambert, Mont-Golfier et au-dessus le Cros du Mont-Golfier.
  2. C’est ainsi qu’il changea le moteur employé dans la fabrique, modifia la disposition des séchoirs, et inventa des formes pour le papier grand-monde, inconnu avant lui. Il trouva aussi le secret de la fabrication du papier vélin, que la France avait jusqu’alors tiré de l’étranger.