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de l’application des sciences à l’industrie, n’avaient cessé de s’occuper de l’étude des moteurs électriques depuis que Jacobi avait fait entrevoir, par son expérience sur la Newa, la possibilité de tirer parti de l’électricité comme agent mécanique. Nous avons déjà parlé des essais de M. Taylor, à New-York. Il y aurait injustice à ne pas signaler aussi les travaux d’un autre physicien de New-York, M. Elijah Paine, qui fit exécuter, en 1849, un moteur électrique à balancier, qu’il destinait aux navires.

La machine de M. Elijah Paine, parfaitement étudiée dans sa construction, était composée d’un balancier portant, à chacune de ses extrémités, une tige de fer. Chacune de ces tiges, alternativement attirée par un électro-aimant, agissait sur le balancier pour le mettre en action ; ce dernier transmettait ensuite son mouvement à la manivelle d’un arbre moteur. Le commutateur, c’est-à-dire l’appareil destiné à provoquer le passage alternatif du courant voltaïque dans les deux électro-aimants, consistait en une sorte de manchon garni de lames d’argent, appareil qui fut breveté en France, en 1849. Cependant l’expérience ne répondit pas à l’espoir que l’auteur avait fondé sur les effets de cet appareil.

Des résultats de quelque importance paraissent avoir été obtenus à Washington, en 1850, par le professeur Page.

Le National Intelligencer, journal des États-Unis, rapportait, dans les termes suivants, les expériences du physicien de Washington, qui avaient produit une certaine sensation en Amérique.

« Le professeur Page, dans le cours qu’il professe à l’Institut de Smithson, a établi comme indubitable qu’avant peu l’action électro-magnétique aura détrôné la vapeur et sera le moteur adopté. Il a fait en ce genre, devant son auditoire, les expériences les plus étonnantes. Une immense barre de fer, pesant 160 livres, a été soulevée par l’action magnétique, et s’est mue rapidement de haut en bas, dansant en l’air comme une plume, sans aucun support apparent. La force agissant sur la barre a été évaluée à environ 300 livres, bien qu’elle s’exerçât à 10 pouces de distance.

« On ne peut se faire une idée du bruit et de la lumière de l’étincelle lorsqu’on la tire en un certain point de son grand appareil : c’est un véritable coup de pistolet. À une très-petite distance de ce point, l’étincelle ne donne aucun bruit.

« Le professeur a montré ensuite sa machine d’une force de 4 à 5 chevaux, que met en mouvement une pile contenue dans un espace de 3 pieds cubes. C’est une machine à double effet, de 2 pieds de course, et le tout ensemble, machine et pile, pèse environ une tonne (un peu plus de 1 000 kilogrammes). Lorsque l’action motrice lui est communiquée, la machine marche admirablement, donnant 114 coups par minute. Appliquée à une scie circulaire de 10 pouces de diamètre, laquelle débitait en lattes des planches d’un pouce et demi d’épaisseur, elle a donné par minute 80 coups. La force agissant sur ce grand piston dans une course de 2 pieds, a été évaluée à 600 livres quand la machine marche lentement. Le professeur n’a pas pu apprécier au juste quelle est la force déployée lorsque la machine marche avec vitesse de travail, bien qu’elle soit beaucoup moindre. »

Le récit qui précède renferme des évaluations dynamométriques beaucoup trop vagues pour qu’elles ne soient pas singulièrement exagérées en ce qui concerne la puissance de la machine. Il ne nous fournit aucune description du moteur électrique de M. Page ; mais il est facile de suppléer à cette lacune, car l’inventeur américain prit une patente en Angleterre, et un brevet en France le 9 septembre 1850, bien que son appareil eût déjà été décrit dans quelques recueils scientifiques[1].

Le moteur électrique de M. Page repose sur l’emploi des électro-aimants creux. Voici ce que l’on entend par cette disposition particulière des aimants artificiels.

Si l’on réunit une série d’hélices de cuivre (fig. 239), de manière à en former un cylindre creux AB ; que l’on place une tige de fer CC, dans l’intérieur du cylindre formé par la réunion de ces hélices, et que l’on fasse circuler le courant électrique dans

  1. Le mémoire de M. Page est rapporté dans la Bibliothèque universelle de Genève, t. XVI, pages 54 et 231.