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et pénètre plus encore dans nos habitudes.

Tout le monde connaît le chef-d’œuvre d’art et d’industrie exécuté par MM. Christofle pour l’hôtel-de-ville de Paris. La figure 228 page 369 représente la pièce du milieu de cet admirable surtout de table, qui était un des ornements les plus brillants de l’Exposition universelle de 1867, et qui a servi à décorer les somptueux banquets offerts, par la ville de Paris, aux divers souverains qui sont venus rendre hommage, à cette époque, à la grandeur et au génie de la France. Autrefois la pensée d’exécuter une pièce aussi compliquée, aussi soignée dans tous ses détails, n’aurait même pu venir. Il faut ne pas être arrêté par le prix de la matière première, pour commander à des artistes des œuvres de cette importance. En argent massif, cette pièce aurait dépassé, par son prix, la fortune du souverain le plus riche de l’univers.

Il est une dernière considération, et à nos yeux la plus puissante, en faveur de l’argenture voltaïque : c’est la salubrité de son usage. Il est vraiment pénible de voir la vie humaine à la merci des misérables ustensiles employés dans nos cuisines. On se sent saisi de tristesse et de pitié quand on voit le ménage aisé, tout comme les grands établissements publics, les hospices, les administrations, l’armée, préparer leurs aliments dans des vases de cuivre, recouverts, plus ou moins bien, d’une couche d’étain, métal qui ne vaut guère mieux que le cuivre ; quand on voit le ménage pauvre se servir, pour l’usage de la cuisine ou de la table, de couverts d’étain, ou d’alliages divers, essentiellement oxydables et altérables, qui ne méritent guère leur réputation d’être économiques, car il faut les renouveler sans cesse, et dont le tort le plus grave est de donner naissance, par l’action des liquides alimentaires, à des sels vénéneux, ou tout au moins vomitifs. Chacun partagera donc notre vœu philanthropique, à savoir, que l’argenture voltaïque devienne un jour d’un usage général ; qu’il ne soit pas de ménage si pauvre, d’établissement public si mal doté, qui ne puisse un jour préparer ses aliments dans des vases de métal revêtus par la pile d’une couche inaltérable d’argent. Le progrès que nous rêvons sera certainement réalisé dans l’avenir, grâce à la simplicité, à l’économie des méthodes qui servent aujourd’hui à obtenir dans les ateliers l’argenture voltaïque, méthodes dont la description doit maintenant nous occuper.

Les procédés qui servent à l’argenture voltaïque sont les mêmes, en principe, que ceux de la dorure par la pile ; cette circonstance nous permettra d’abréger beaucoup nos descriptions.

L’argenture par la pile s’opère au moyen du cyanure d’argent dissous dans le cyanure de potassium, et formant un cyanure double de potassium et d’argent, soluble dans l’eau. Comme le cyanure d’or, le cyanure d’argent est décomposé par la pile ; l’argent se porte au pôle négatif, auquel on attache l’objet à argenter, et le cyanogène se porte au pôle positif. Si l’on attache au fil positif de la pile, une lame d’argent, c’est-à-dire un anode métallique, le cyanogène qui se dégage à ce pôle, rencontrant l’anode d’argent, le dissout, et forme du cyanure d’argent, lequel maintient le bain toujours chargé de la quantité de cyanure d’argent nécessaire à l’opération.

Voilà la théorie de l’argenture par la pile, calquée nécessairement sur celle de la dorure. Ajoutons que l’on prend du cyanure d’argent, et non de l’azotate d’argent, ce qui serait bien plus simple, parce que la décomposition de l’azotate d’argent par la pile, mettrait en liberté de l’acide azotique, lequel attaquerait la surface du métal immergé, et rendrait l’argenture incomplète et non adhérente.

Voici comment se prépare le cyanure d’argent destiné à l’argenture. On dissout peu à peu et avec précaution, 2 kilogrammes d’argent dans 6 kilogrammes d’acide azotique ;