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l’œuvre. M. de Ruolz dit donc adieu à son atelier de teinture, et s’empressa de chercher dans Paris quelque réduit propre à servir à ses travaux de chimie.

Il trouva ce qu’il cherchait dans les combles d’une petite maison de la rue du Colombier. C’était une pauvre mansarde ouverte à tous les vents ; mais cette mansarde avait autrefois servi de cuisine, il y avait encore une cheminée et une table, et cela pouvait, à la rigueur, passer pour un laboratoire, car les grandes découvertes de notre temps ne se sont pas toutes accomplies dans les fastueux laboratoires de nos savants en renom.

Pour répondre aux besoins de l’industrie qui avait éveillé ses premières idées, M. de Ruolz trouva le moyen d’utiliser le bain au trempé d’Elkington pour la dorure de l’argent. Il eut la pensée ingénieuse d’employer les procédés galvaniques que Jacobi avait indiqués, pour recouvrir les bijoux d’argent d’une très-légère couche de cuivre. Il mettait ainsi l’argent dans les conditions convenables pour recevoir le dépôt d’or au trempé, dépôt qui ne s’effectue dans la liqueur employée par Elkington, que par la dissolution d’une couche de cuivre excessivement mince. Tel fut le sujet du premier brevet que M. de Ruolz prit le 19 décembre 1840 ; mais, on le voit, ce n’était qu’un perfectionnement de la dorure au trempé, et par conséquent, une très-petite partie du problème général de la dorure voltaïque, problème qu’il avait à résoudre et qui devait s’imposer naturellement à un esprit chercheur et tenace comme le sien.

Notre expérimentateur se mit ensuite à passer en revue toutes les substances de la chimie, afin de reconnaître celles qui se prêteraient le mieux aux opérations de la dorure et de l’argenture par la pile.

Six mois s’écoulèrent dans ces recherches, et le 17 juin 1841, M. de Ruolz prenait une addition à son brevet de 1840, et indiquait l’emploi des cyanures alcalins pour la dorure et l’argenture. Mais là ne devaient pas s’arrêter ses recherches. M. de Ruolz trouva encore les dissolutions convenables pour obtenir, à volonté, la précipitation voltaïque de presque tous les métaux les uns sur les autres. Il alla plus loin qu’Elkington, car non-seulement il put précipiter avec économie, l’or sur le cuivre, l’argent sur le platine, etc., mais il parvint aussi à réaliser, sur un métal donné, la précipitation de la série de tous les autres métaux. Ce dernier résultat dépassait de beaucoup les prévisions que la science permettait de concevoir à cette époque.

Malheureusement, comme nous l’avons raconté dans le chapitre précédent, M. de Ruolz arrivait trop tard ; car Elkington, en Angleterre, avait découvert avant lui, la manière d’argenter et de dorer par la pile avec les mêmes liqueurs. M. de Ruolz ignorait cette circonstance.

Ayant ainsi atteint le but qu’il s’était proposé, M. de Ruolz n’avait plus que deux choses à faire : présenter au public et à l’Académie le résultat de ses travaux ; chercher des capitaux pour exploiter son invention. Le 9 août 1841, il lut à l’Académie des sciences, un mémoire dans lequel il exposait les détails de sa découverte.

Le 29 novembre suivant, M. Dumas lut, à l’Académie des sciences, un rapport étendu, dans lequel il exposait les découvertes de M. de Ruolz. Le rapport de M. Dumas, qui fixait avec une précision remarquable l’état de la question de la dorure voltaïque, au double point de vue scientifique et industriel, fut un événement dans la science, et donna aux travaux de M. de Ruolz un retentissement considérable.

Dans le rapport fait à l’Institut, par M. Dumas, le nom d’Elkington était fort peu prononcé, car c’est à peine si la commission avait eu connaissance des travaux du manufacturier de Birmingham, On ne parlait d’Elkington que pour constater l’existence