Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/346

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Duprez vint présenter sur la scène le jeune compositeur.

Ce jeune compositeur s’appelait Henri de Ruolz.

Né à Paris en 1811[1] le comte Henri de Ruolz, après avoir pris ses grades dans quatre Facultés : lettres, sciences, droit et médecine, s’adonna à la fois à la musique et aux sciences. Élève, pour la musique, de Berton, Paër, Lesueur et Rossini, il débuta, en 1830, au théâtre de l’Opéra-Comique, par un opéra en un acte, Attendre et courir, composé en collaboration avec Halévy. En 1835, il donna au théâtre Saint-Charles de Naples, le grand opéra intitulé Lara, dont nous racontions tout à l’heure la première et brillante apparition. Cette soirée consacra la réputation de Duprez en Italie, et le fit bientôt passer du théâtre de Naples à celui de Paris.

Dès ce moment, la carrière lyrique, avec toutes ses séductions et ses périls, était ouverte à M. de Ruolz, car il avait réussi à obtenir un succès éclatant auprès du public le plus difficile de l’Europe. Cependant, avant de revenir en France et pour se remettre des émotions et des fatigues de son triomphe, M. de Ruolz partit pour la Sicile, et passa un mois à visiter Messine, Catane, Syracuse et Palerme. Au bout de ce temps, il revint à Naples.

En rentrant chez lui, il trouva sur son bureau une lettre venue de Paris et qui l’attendait depuis trois jours.

Cette lettre lui annonçait la perte totale de sa fortune. Par une de ces catastrophes trop communes aujourd’hui, M. de Ruolz, qui tenait de sa famille une fortune considérable, se trouvait désormais à peu près dénué de ressources.

Si rude que fût le coup, M. de Ruolz ne se sentit pas abattu. Il venait de paraître avec éclat dans une carrière qui pouvait lui rendre avec usure ce que le malheur lui enlevait ; il se hâta donc de revenir en France, pour y tirer parti de son talent de compositeur.

M. de Ruolz avait toutes les qualités nécessaires pour réussir à Paris, dans la carrière qu’il embrassait. Son succès de Naples avait eu en France un certain retentissement ; il était jeune et de race aristocratique. Toutes les portes du faubourg Saint-Germain s’ouvrirent à deux battants devant le compositeur, qui, selon le style en usage dans ces régions, pouvait faire ses preuves de 1399, et avait eu un aïeul maternel tué au combat des Trente. Il commença donc à suivre, dans les salons du noble faubourg, cette existence brillante où il espérait retrouver un jour sa splendeur éteinte et sa fortune évanouie. La représentation de Lara au théâtre de Naples, avait fondé sa réputation de compositeur, le directeur du Grand-Opéra de Paris lui demanda bientôt une œuvre lyrique ; et en

  1. M. Vapereau, dans son Dictionnaire des contemporains (3e édition, 1865), fournit des indications fort inexactes sur M. de Ruolz. Le confondant successivement avec ses trois cousins germains, de Lyon, il le fait entrer à l’École polytechnique, le nomme capitaine du génie, lui fait donner sa démission en 1848, pour se consacrer à la chimie, etc. Il attribue à « l’un de ses frères » la composition musicale et « les succès sur les scènes d’Italie ». Nous croyons donc utile de rétablir ici la parenté exacte de ce savant.

    La famille des Ruolz, de Lyon, se compose de trois frères, savoir :

    1o Charles-Marie-Alfred, marquis de Ruolz, né à Lyon en 1802, ancien officier de la marine royale et du corps d’état-major. Agronome distingué, propriétaire du grand domaine d’Alleret (Haute-Loire) qu’il exploite lui-même. Le marquis Charles de Ruolz, a obtenu un grand nombre de primes d’honneur et de médailles d’or dans les concours régionaux. En 1860, il remporta la grande prime d’honneur que le gouvernement décerne, tous les sept ans, à la plus belle exploitation agricole de chaque département.

    2o Léopold-Marie-Philippe, comte de Ruolz, né à Lyon en 1805, statuaire et archéologue distingué. Le comte de Ruolz a obtenu, en 1836, la médaille d’or à l’Exposition du Louvre (sculpture). Il est membre de l’Académie des Sciences, lettres et arts de Lyon, et a été nommé professeur de sculpture à l’école des beaux-arts de Lyon, en 1838.

    3o François-Albert-Henri-Ferdinand, baron de Ruolz, frère des précédents, est né à Lyon en 1810. Élève de l’École polytechnique en 1827, if fut nommé lieutenant du génie en 1829, et capitaine en 1835. Il a fait les campagnes d’Afrique, et a coopéré aux fortifications de Lyon et à celles de Paris. Il donna sa démission en 1848. Le baron de Ruolz est administrateur des hôpitaux de Lyon, directeur de la caisse d’épargne de Lyon et de l’école industrielle de la Martinière.

    Le comte Henri de Ruolz (Henri-Catherine-Camille), le chimiste dont il est question dans cette notice, est cousin germain des trois précédents. Il est né, comme nous l’avons dit, à Paris en 1811.