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recueil des procédés de l’industrie et des arts chez les Romains, comment se pratiquait alors la dorure.

Les Romains appliquaient l’or, soit en feuilles minces, comme nous le faisons aujourd’hui, soit en incrustations de lames d’une certaine épaisseur.

Les plafonds des palais ou des riches demeures et les statues des dieux, étaient dorés avec des feuilles d’or étendues sous le marteau, entre des lames de peau, comme le font nos batteurs d’or modernes. D’une once d’or, on tirait 750 feuilles de quatre travers de doigt en carré. Les plus minces feuilles se nommaient bracteœ quœstoriœ (feuilles de questeurs) ; les plus épaisses, bracteœ Prœnestinœ, parce que la statue de la Fortune, à Préneste, était dorée avec ces feuilles. On appliquait les feuilles d’or sur les métaux ou sur le bois, préalablement revêtu d’un enduit nommé leucophoron, et quelquefois de blanc d’œuf, ou de colle forte, comme le font encore nos doreurs. Les incrustations de lames plus épaisses se faisaient à peu près comme nos incrustations d’ivoire ou d’acajou.

Ces incrustations se payaient, d’ailleurs, un très-haut prix. L’empereur Domitien dépensa plus de douze mille talents (36 millions de francs de notre monnaie), pour dorer le temple de Jupiter Capitolin. On vit faire, au temps des empereurs, de véritables folies en fait de dorures. Lorsque Tiridate, roi d’Arménie, vint faire une visite à Néron, cet empereur fit entièrement revêtir d’or, non de simple dorure, mais de lames solides, de véritables pièces d’orfèvrerie, tout le temple de Pompée. Cette décoration somptueuse avait été préparée pour un seul jour de fête, et l’on vit dans le temple de Pompée, une telle profusion de vases et d’ornements d’or, que cette journée conserva dans l’histoire le nom de journée d’or.

L’argenture était beaucoup moins répandue, chez les Romains, que la dorure. L’art de réduire l’argent en feuilles minces, par le battage au marteau, c’est-à-dire l’argenture à la feuille, fut inconnu des Romains. Leur argenture consistait en un plaqué d’argent. Nous avons vu au musée de Naples plusieurs vases de table ou objets de vaisselle, en cuivre plaqué d’argent.

Le plaquage d’argent fut très-usité au moyen âge. Certaines pièces d’orfèvrerie, telles que des bagues, des anneaux de l’époque mérovingienne, sont faites de cuivre recouvert d’une feuille épaisse d’argent. Les artistes arabes, tant en Espagne qu’en Afrique et en Asie, exécutaient admirablement ce plaqué d’argent, qui était souvent embelli de damasquinures du plus bel effet.

C’est au moyen âge qu’appartient la découverte de la dorure par l’intermédiaire du mercure, qui devint bientôt d’un usage universel en Europe. On faisait dissoudre de l’or dans du mercure, on passait l’amalgame à travers une peau de chamois, pour chasser l’excès de mercure non combiné : l’amalgame qui restait dans le nouet, servait à la dorure. On recouvrait de cet amalgame, au moyen d’une brosse ou d’un pinceau, le cuivre ou l’argent qu’il s’agissait de dorer, et l’on exposait ensuite la pièce à l’action du feu. Le mercure s’évaporait, et l’or restait fixé sur le métal. Il ne restait plus qu’à le polir par le brunissoir.

Les artistes italiens du moyen âge doraient au feu sans mercure. Ils commençaient par rayer, à faibles coups de lime, la surface du métal à dorer ; ils la chauffaient ensuite, jusqu’à ce qu’elle prît une couleur bleue par l’oxydation, et ils la recouvraient alors d’une lame d’or, en la frottant au moyen d’un brunissoir. La double action du brunissoir et de la chaleur déterminait une parfaite adhérence du métal précieux.

L’argenture ne se faisait point par amalgame, mais presque toujours par le dernier moyen que nous venons de décrire, c’est-à-dire en appliquant des feuilles d’argent au