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place. Mauvaise nouvelle ! Heureusement le lendemain matin, l’Albany annonça qu’il avait réussi à rattraper le câble et à y attacher une nouvelle bouée. L’Albany avait à son bord les appareils de relèvement dont le Great-Eastern avait fait usage l’année précédente. En s’aidant de la bouée, on parvint, dans la soirée, à hisser le câble. Mais le dynamomètre montra bientôt qu’on n’avait repêché qu’un petit morceau détaché de la ligne principale.

Le 30, le Terrible partit pour Saint-Jean de Terre-Neuve, afin d’en rapporter des provisions. Le Great-Eastern recommença les sondages plus loin vers l’est, dans une profondeur de 3 475 mètres.

Le lendemain 31, la tension du dynamomètre annonça qu’on était encore une fois tombé sur le câble. Le Medway l’avait aussi rencontré, mais son grappin s’était cassé. Le Great-Eastern s’assura de la réalité de son succès, en s’avançant d’abord un peu à l’encontre du câble, ce qui diminuait la tension de la ligne de sonde, et en se laissant ensuite aller lentement à la dérive ; on constata que la tension redevenait alors égale à neuf tonnes et demie, ce qui prouvait qu’on était bien amarré au câble. Les machines travaillèrent toute la nuit.

À 4 heures 50 minutes du matin, le 1er septembre, par une mer calme et unie comme un miroir, le câble n’était plus qu’à 1 463 mètres de la surface, et la tension indiquée par le dynamomètre, ne dépassait pas sept tonneaux et demi. À 5 heures 20 minutes, on arrêta le travail de relèvement, et on attacha le câble à une bouée.

Bientôt après, l’Albany arriva en vue. Le capitaine de ce vaisseau monta à bord du Great-Eastern. Il raconta qu’il s’était trouvé au rendez-vous convenu, mais qu’il y avait été seul. La cause de ce singulier colin-maillard était que le Great-Eastern avait été entraîné par un courant, au sud du point choisi pour le rendez-vous.

Vers 10 heures, le temps étant toujours magnifique, les deux navires s’avancèrent de 4 à 5 kilomètres du côté de l’est, et le grelin fut jeté de nouveau, c’est-à-dire pour la quinzième fois !

Le lendemain, dimanche 2 septembre, le câble fut encore une fois accroché et placé sous une bouée, et l’on se disposa à le retirer de l’eau.

Au moment où le grelin avait été jeté, la mer s’était montrée belle et unie comme un étang, sauf une longue lame qui existe toujours à la surface de l’Atlantique. Toutes les circonstances étaient aussi favorables que possible. Le ciel et la mer semblaient s’entendre pour laisser s’accomplir sans la troubler, cette grande opération. Tout le monde se disait que si l’on ne réussissait pas cette fois, il y aurait bien peu d’espoir de réussir un autre jour, car un pareil concours de circonstances favorables est très-rare dans ces parages. Le Great-Eastern se laissait aller à la dérive, en suivant la direction du câble, marquée par les bouées ; le courant l’entraînait en ligne droite, comme si sa course avait été tracée sur l’eau à l’aide d’une règle.

À partir de 3 heures trois quarts de l’après-midi, on commença à haler le câble à bord du Great-Eastern. La tension mesurée au dynamomètre, variait de 9 à 11 tonnes.

Dans la soirée, un signal donné par le Medway, annonça que ce navire avait aussi retrouvé le câble, et l’avait déjà amené à environ 900 mètres de la surface. On lui répondit, du Great-Eastern, d’avoir à continuer le relèvement avec toute la rapidité possible, et sans crainte de briser le câble. En effet, une rupture aurait eu l’avantage de diminuer la tension sur les appareils du Great-Eastern, et de faciliter ainsi sa tâche. Du côté de l’est, le même effet était obtenu par la bouée qui retenait, depuis la veille, une partie du câble à 1 400 mètres au-dessous de la surface de l’eau.